Ce dimanche 23 février, les Allemands se rendront aux urnes pour élire les 630 représentants du Bundestag. À l’issue du scrutin, le chancelier, issu du principal parti de la coalition arrivée en tête, sera désigné. Olaf Scholz, chancelier depuis 2021, pourrait céder sa place. Friedrich Merz, du parti conservateur CDU est le grand favori devant l’extrême droite de l’AfD d’Alice Weidel
Sûrs de leur victoire, les conservateurs allemands de Friedrich Merz partent en quête d’un score sans appel aux élections législatives de dimanche 23 février, pour imposer leur ligne dure sur l’immigration face à l’extrême droite désormais soutenue par l’administration Trump.
Les capitales européennes auront les yeux braqués sur le scrutin anticipé de la première économie du continent, affaiblie depuis l’implosion de la coalition d’Olaf Scholz fin 2024, en pleine crise de son modèle industriel et géopolitique.
Le soutien sans fard apporté par l’entourage du président américain Donald Trump à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD, extrême droite) a de surcroît nourri une polarisation accrue dans un pays autrefois champion du compromis.
Les conservateurs favoris
Les sondages sont toutefois restés constants, accordant 30 % des suffrages aux conservateurs de la CDU/CSU. Suit l’AfD avec environ 20 %, un record.
Lors d’un dernier débat télévisé avec Olaf Scholz mercredi soir, Friedrich Merz a appelé les Allemands à lui confier un mandat fort pour “résoudre les deux grands problèmes du pays, la migration et l’économie”. Faute de quoi “ils nous dépasseront, nous et tous les partis démocratiques du centre politique”, a-t-il prévenu, jugeant le gouvernement sortant responsable de l’essor de l’AfD.
Une alliance avec cette formation étant exclue, “la question est de savoir comment (Friedrich Merz) va former une coalition stable”, de préférence avec un seul allié, indique à l’AFP Sudha David-Wilp, du centre de réflexion German Marshall Fund of the United States.
Le parti social-démocrate (SPD) d’Olaf Scholz est menacé d’une débâcle historique (15 %), même si ce dernier s’accroche à l’espoir de rallier les nombreux indécis. Les Verts sont eux crédités de 14 %.
La “peur du chaos”
“Je crois que beaucoup de gens sont très tendus face aux négociations de coalition”, estime Tristan, un étudiant de 28 ans à Berin. “Ils ont simplement peur que le chaos règne avant la formation du gouvernement”, dit-il à l’AFP.
A Francfort, le restaurateur Ralph Teschner s’inquiète de la montée de l’extrême droite. “Parce qu’un pays avec une AfD à 21 % ou plus n’est pas un pays où on aime être”, confie cet homme de 57 ans. La campagne électorale hivernale a largement été dominée par les craintes liées à l’immigration, après une série d’attentats meurtriers impliquant des étrangers, qui ont bouleversé le pays.
Friedrich Merz, qui accuse le gouvernement Scholz de laxisme, a durci sa position, préconisant un verrouillage durable des frontières et le refus d’entrée pour tout étranger sans papier, y compris des demandeurs d’asile. Il a fait adopter une résolution non contraignante à ce sujet avec les voix de l’AfD au Bundestag, la chambre basse du parlement, du jamais vu depuis l’après-guerre au niveau fédéral.
La démarche, vue par beaucoup comme une amorce de normalisation de cette formation, a provoqué de grandes manifestations de protestation en Allemagne. Le discours vendredi à Munich du vice-président américain JD Vance, exhortant les partis traditionnels allemands à lever leur refus de gouverner avec l’extrême droite a encore mis de l’huile sur le feu.
Un pays qui a “besoin de réformes”
L’autre grand thème de la campagne a été l’économie défaillante, illustrée par plusieurs grands plans de réduction d’emplois ces derniers mois, notamment dans l’automobile. Le pays “a clairement besoin de réformes, d’investissements, de travailleurs qualifiés”, juge l’experte David-Wilp.
Friedrich Merz a promis de rebâtir la force industrielle du pays en abaissant les impôts des entreprises et réduisant la bureaucratie. Holger Schmieding, économiste à la Berenberg bank, s’interroge toutefois sur sa capacité à “mettre en vigueur un grand agenda de réformes” après les élections.
Beaucoup dépendra de petits partis : une des deux formations d’extrême gauche Die Linke, en pleine remontada, est créditée de 7 %, l’autre, BSW, de même que les libéraux du FDP pointent autour des 5 % des suffrages nécessaires pour être représenté au Bundestag.
Ces derniers pourraient empêcher des changements constitutionnels visant à assouplir les règles strictes en matière d’endettement, une réforme jugée nécessaire pour libérer des liquidités en vue d’investissements dans l’économie et les forces armées, souligne l’économiste. Et les partis des extrêmes BSW, Die Linke et AfD, qui partagent un rejet de l’aide militaire à l’Ukraine rappelle-t-il, pourraient détenir une minorité de blocage pour le vote de lois clés dans ce domaine.