Tout faire pour décrédibiliser la demande des 150 anciens salariés de Tetra Medical, de reconnaissance de leur préjudice d’anxiété. Les avocats des liquidateurs judiciaires de l’usine d’Annonay, qui a fait faillite en février 2022, ont été fidèles à leur stratégie. Ce mardi, ils se sont ingéniés à semer le doute dans l’esprit du juge départiteur. Ce magistrat professionnel a été dépêché de Privas pour statuer, après l’incapacité des quatre magistrats prud’hommaux d’Annonay de trancher. Sa décision est attendue le 26 mai.
« On a, côté liquidateur, un doute sur la présence de ces cartons partout dans l’entreprise », glisse par exemple Me Étienne Masson, cité par l’AFP en marge de l’audience. Le conseil fait référence au matériel médical (compresses et kit chirurgicaux à usage unique notamment) qui était stérilisé à l’aide d’oxyde d’éthylène, puis compacté et envoyé par palette. Ce gaz toxique est reconnu comme cancérogène, mutagène (qui provoque une mutation des cellules) et reprotoxique (toxique pour la reproduction). Les 150 anciens travailleurs veulent faire reconnaître que leur exposition à la substance était généralisée à l’ensemble du site, faute de protection suffisante.
Tous les ingrédients d’un scandale sanitaire
Autre biais de la défense : le manque de réactivité des salariés à l’époque des faits. « Ça semble très étonnant – il y avait des instances représentatives des salariés, il y avait les médecins du travail, il y avait les commissions santé et sécurité au travail – que personne, pendant toutes ces années, n’ait alerté, n’ait fait valoir son droit de retrait », a ainsi souligné Me Ingrid Barbe, citée par l’AFP, qui a regretté au cours de l’audience qu’il n’y ait « que des attestations » de salariés et « aucune autre preuve » de l’exposition au gaz, mais aussi de l’anxiété causée.
En face, Me François Lafforgue martèle : « Personne n’était exclu de l’exposition », détaillant ensuite : « Il n’y a pas de lieu étanche pour stocker ces produits. (…). Même à la machine à café, on est à côté de palettes de produits gorgés d’oxyde d’éthylène ». L’avocat se fonde sur les témoignages des ex-salariés. Mais pas seulement.
Dans cette affaire qui a tous les ingrédients d’un scandale sanitaire, quatre anciennes salariées ont obtenu une reconnaissance de leur maladie professionnelle. Cinq autres dossiers sont en cours d’examen. Par ailleurs, le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides a reconnu le lien entre des maladies développées par trois enfants (malformations, leucémie, troubles du comportement sévères…) et l’exposition de leurs parents à l’oxyde d’éthylène.
Pour les avocats des liquidateurs, l’enjeu de ce procès aux Prud’hommes d’Annonay est financier. Chacun des 150 salariés réclame avec leur préjudice d’anxiété une indemnité identique pour tous, à hauteur de 20 000 euros. L’enjeu est aussi judiciaire : en reconnaissant ce préjudice, les Prud’hommes pourraient ouvrir la voie à des procédures au pénal à l’encontre des anciens employeurs.
« En étirant les procédures, ils essaient de démotiver les gens »
Avant l’audience de ce mardi, Rafaël Foïs, responsable de l’union locale CGT qui soutient au quotidien les anciens de Tetra médical, se remémorait les précédentes audiences : « Les avocats des liquidateurs utilisent de nombreux arguments pour freiner l’affaire. Ils demandent du temps supplémentaire. Ils mettent en doute les témoignages des anciens salariés, en demandant pourquoi les salariés n’ont pas agi plus tôt si la situation était aussi grave dans l’usine, ou pourquoi la CGT n’est pas intervenue avant la fermeture du site. Mais le syndicat n’était pas présent dans l’entreprise ! »
« Ça va même plus loin aujourd’hui, ajoute-t-il. Ils affirment que rien ne prouve que la direction connaissait la dangerosité des conditions de travail. En étirant les procédures, ils essaient de démotiver les gens. Certains ont baissé les bras. Mais ils ne sont pas nombreux, parce qu’on les avait prévenus que la bataille serait longue. Les premières décisions tombent en faveur des travailleurs. Et s’ils existent des freins aux procédures, la justice avance plus vite que prévu. Car on voit bien que quelque chose de grave s’est passé à Tetra Medical ».
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