Gabriel Attal aime communiquer. Pour répondre au manque de médecins et au problème croissant des déserts médicaux, le premier ministre a annoncé, le samedi 6 avril, à certains titres de la presse locale une série de mesures qui laissent perplexes les professionnels. « Illusoires, souvent démagogiques et parfois dangereuses », a taclé dans un communiqué MG France, principal syndicat de médecins généralistes, qui a dans la foulée suspendu sa participation aux négociations en cours entre syndicats et assurance-maladie sur les tarifs médicaux.
Il faut « mettre toute son énergie pour aller chercher chaque créneau de médecin un à un », a martelé le pensionnaire de Matignon. Objectif affiché : « reconquérir quinze à vingt millions de rendez-vous chez les généralistes dès cette année, et même dès cet été ». Pour y parvenir, le gouvernement va instaurer une « taxe lapin », déjà annoncée en janvier. Il s’agit pour le médecin de « responsabiliser » le patient en le taxant de 5 euros s’il ne se rend pas à son rendez-vous.
« La taxe lapin ne s’imposera pas »
Mais est-ce la réponse aux déserts médicaux ? « Ça ne résout pas nos problèmes dans les territoires ruraux », a commenté sur Franceinfo Gilles Noël, vice-président de l’Association des maires ruraux de France. « Pour les 6 millions de Français qui n’ont pas de médecin référent », et pour qui c’est déjà « la croix et la bannière pour pouvoir accéder à un médecin », « la taxe lapin ne s’imposera pas », a rappelé l’élu.
Signe du peu de prise en compte de l’inégale répartition des soignants au cœur des difficultés d’accès aux soins, le chiffre de « 20 à 30 millions de consultations perdues chaque année à cause de ces rendez-vous non honorés », utilisé par Gabriel Attal pour justifier les intérêts de sa mesure, est en réalité, selon le Monde, une extrapolation à l’ensemble de la France des résultats d’une enquête de l’union régionale des professionnels de santé d’Île-de-France (URPS-IDF), région la moins touchée par le déficit de professionnels de santé.
Permettre l’accès direct à certains spécialistes
Autre mesure préconisée par l’exécutif : permettre l’accès direct à certains spécialistes. Dans treize territoires choisis, l’ordonnance d’un généraliste ne sera plus obligatoire pour prendre un rendez-vous. Appliquée d’abord aux kinésithérapeutes, cette expérimentation sera étendue au bout d’un an à d’autres spécialistes. Mais cette mise entre parenthèses des règles du parcours de soins, qui repose sur une centralisation et une coordination par le généraliste, semble peu à même de répondre au déficit de soignants. « Qui peut croire que les patients résidant dans des déserts médicaux trouveront plus facilement un endocrinologue ou un chirurgien qu’un médecin généraliste ? » a ironisé MG France.
Pour « libérer du temps de soins », le gouvernement souhaite aussi autoriser les pharmaciens à prescrire des antibiotiques pour les angines et les cystites mais aussi accroître le nombre d’assistants médicaux. Leur passage de 6 000 à 10 000 d’ici la fin de l’année « libérera 2,5 millions de consultations chez les médecins », a promis Gabriel Attal. Autant de mesures saluées par les élus ruraux, mais accueillies avec méfiance par les professionnels de santé, qui craignent une médecine au rabais.
4 millions de Français n’ont pas de solution
Le premier ministre s’est aussi attaqué à l’épineux sujet de la permanence des soins. À l’heure actuelle, estime Matignon, « 5 % des territoires ne sont pas couverts et 4 millions de Français n’ont pas de solution ». Pour combler ce déficit qui entraîne un report de la demande de soins sur l’hôpital, le gouvernement refuse pour l’instant de rétablir l’obligation de garde, à laquelle les soignants sont très hostiles. Il préfère parier sur la carotte « en proposant un bonus » aux médecins qui accepteraient de faire des gardes plus longues ou sur un territoire plus étendu. Autre piste, la participation à ces gardes d’autres catégories de soignants, comme les sages-femmes ou les dentistes.
À plus long terme, Gabriel Attal a promis l’accroissement du nombre de médecins. Les places en deuxième année vont ainsi passer de 10 800 en 2023 à 12 000 en 2025, puis 16 000 en 2027, ce qui produira des effets à partir de 2035. Pas certain que cela suffise à faire face au vieillissement de la population. Surtout si les étudiants en médecine continuent de choisir en masse des spécialités rentables comme la chirurgie plastique et continuent de bouder les territoires ruraux.