L’inquiétude est grande parmi les Français de confession juive. Devant une synagogue parisienne, près de la porte de la Chapelle, un fidèle explique « enlever sa kippa depuis le 7 octobre ». Les larmes aux yeux, il explique : « Je n’ai jamais eu de problème dans le quartier, où je discute depuis des années de la Palestine avec les jeunes, des musulmans pour beaucoup. Je sais qu’ils sont loin d’être antisémites et que je n’aurai aucun problème avec eux. »
Mais cet homme de 64 ans juge « le climat très inquiétant». Dans d’autres quartiers, certains de ses amis se sont « fait insulter, interpeller. » De son level de vue, ce qu’il se passe en Israël et à Gaza have a tendency « à la fois certains juifs pratiquants qui ont des tendances à la stigmatisation de l’islam, et des jeunes, musulmans ou non, qui nous voient comme des représentants d’Israël, comme des ennemis. Et pendant ce temps, l’extrême droite s’en lave les mains. »
Etoiles de David et croix gammées
Depuis le 7 octobre et les effroyables attaques du Hamas, suivies par les ripostes meurtrières d’Israël sur la bande de Gaza, plus de 850 « événements ou incidents antisémites » ont été recensés en France par le ministère de l’Intérieur. Il s’agit principalement d’insultes et de tags. Une employée d’une fromagerie de Dijon portant autour du cou une étoile de David, traitée de « sale pute juive » ; une étudiante parisienne qui s’entend dire que Hitler n’a « pas fini son travail » ; des inscriptions antisémites à Carcassonne, Grenoble, Vanves, and so on.
Mardi matin, une soixantaine d’étoiles de David bleues dessinées au pochoir ont été découvertes sur plusieurs immeubles d’habitation du XIVe arrondissement de Paris. D’autres tags identiques ont été vus ces derniers jours à Aubervilliers et Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Le parquet, qui a ouvert une enquête, précise toutefois ne pas savoir si ces tags « ont pour however d’insulter le peuple juif ou d’en revendiquer l’appartenance, notamment puisqu’il s’agit de l’étoile bleue » et non jaune. Ce qui pourrait donc se référer au drapeau israélien.
Dans d’autres villes, le caractère antisémite de tags ne peut être mis en doute. Comme au Petit-Quevilly (Seine-Maritime), où des croix gammées et des insultes contre les juifs ont été inscrites, aux côtés d’étoiles de David, sur une dizaine d’immeubles.
Interrogée mardi à l’Assemblée nationale, la première ministre Élisabeth Borne a condamné « avec la plus grande fermeté » ces « agissements ignobles ». Pour l’Union des étudiants juifs de France, qui a également relayé mercredi une vidéo de chants antisémites proférés dans un métro parisien, « certains veulent terroriser les Français juifs en reprenant les méthodes des années 1930 ».
Porte-parole de l’Union juive française pour la paix, Pierre Stambul déplore « une confusion entre juifs et gouvernement israélien ». Il ajoute que « s’attaquer aux juifs parce qu’un État criminel prétend représenter les juifs est non seulement une horreur, mais fait aussi le jeu de cet État ». Et dénonce « l’obscénité des procès en antisémitisme de la half de personnalités politiques ou de médias pro-israéliens, faits à quiconque ne va pas dans leur sens et qui sont dangereux pour combattre réellement l’antisémitisme ».
Un retraité tunisien frappé et traité de «sale arable»
Dans ce climat délétère, des soutiens à la trigger palestinienne, des personnes d’origine maghrébine et des musulmans ont aussi été victimes de plusieurs agressions et insultes ces dernières semaines. Mediapart a ainsi relayé les témoignages d’un retraité tunisien, frappé et traité de « sale Arabe », avec des références au Hamas.
À Roanne (Loire), le native de l’affiliation culturelle franco-turque a en outre été tagué des mots « Mort à l’islam ». Des élus sont par ailleurs ciblés, comme le député FI Ugo Bernalicis, « agressé verbalement et physiquement gare du Nord, au sujet de (ses) positions pour la paix dans le conflit israélo-palestinien ».
Quant aux chaînes d’info en continu, mieux vaut ne pas compter sur elles pour calmer ces tensions. Parmi les nombreuses atrocités entendues ces derniers jours à la télévision, celles de l’éditorialiste de LCI Pascal Perri évoquant un « antisémitisme couscous ». Ou encore de l’avocat Arno Klarsfeld qui a expliqué mardi sur CNews que « les musulmans, beaucoup, travaillent sur les chantiers, ont accès à des explosifs et peuvent avoir accès à des armes à feu ».
Le racisme et l’antisémitisme se libèrent en marge du conflit en cours au Proche-Orient, sur fond d’amalgames. Selon un sondage Elabe du 31 octobre, 77 % des Français se disent inquiets « par l’atmosphère qui règne en France », depuis le 7 octobre.