Critiqué pour avoir dissous l’Assemblée nationale après la débâcle de son camp aux européennes, Emmanuel Macron a appelé à un “sursaut” face aux “extrêmes” ce mercredi 12 juin, alors que le principal parti de droite a exclu son chef Éric Ciotti, favorable à une alliance.
Ce mercredi 12 juin, Emmanuel Macron a appelé à un large “rassemblement” autour de son camp pour défaire La France insoumise et le Rassemblement national aux élections législatives anticipées, dont le début de campagne donne lieu à une brusque recomposition des droites.
Le président de la République a justifié avec “gravité” sa décision de dimanche, lorsqu’il a dissous l’Assemblée nationale en surprenant jusque dans son gouvernement. Elle est déjà en train de provoquer une “clarification”, a-t-il plaidé, avec des “alliances contre nature” en gestation à gauche comme à droite.
Si la gauche a validé un accord très large sous la bannière d’un nouveau “Front populaire” du PS à LFI, avec une répartition des circonscriptions entre les mouvements, la droite a continué à se déchirer sur l’hypothèse d’un rapprochement entre Les Républicains et le RN.
Le président de LR Éric Ciotti, partisan d’une alliance avec le RN, a été exclu à l’unanimité lors d’un bureau politique du parti organisé sans lui, mais il a jugé cette décision “illégale”, affirmant qu’il resterait en poste en se targuant du soutien des militants.
Presque simultanément, le mouvement Reconquête a implosé. Marion Maréchal, la tête de liste des européennes, a appelé à soutenir les candidats issus de l’alliance entre Eric Ciotti et le RN, qualifiant de “triple-faute” la décision d’Eric Zemmour de ne pas s’y rallier et de présenter ses propres candidats.
Dans ce contexte très mouvant, Emmanuel Macron a tenté d’appeler au “sursaut”, refusant de se placer dans l’hypothèse d’une victoire du RN aux législatives du 30 juin et du 7 juillet. “Je ne veux pas donner les clés du pouvoir à l’extrême droite en 2027”, a-t-il martelé.
“Alliances contre-nature”
Quelques jours après des résultats catastrophiques aux européennes pour la liste macroniste, qui n’a fait que 14,6 % des voix contre près de 40 % à l’extrême droite, Emmanuel Macron n’a retenu ses coups ni contre le RN ni contre LFI.
“Deux blocs”, “deux extrêmes”, a-t-il asséné dès son propos liminaire lors de cette conférence de presse organisée dans une salle au centre de Paris, et non à l’Elysée, pour échapper aux procès d’utilisation des moyens de l’État.
C’est donc sur les “valeurs” que le chef de l’État a mis l’accent, dans le but affiché de prendre les électeurs modérés à témoin. Il a attaqué la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon d'”antisémitisme” et d'”antiparlementarisme”, l’accusant d’avoir “créé un désordre parfois constant” et “inquiétant” à l’Assemblée nationale.
L’alliance “Front populaire” entre le PS, le PCF, les Écologistes et La France insoumise est “indécente”, a-t-il dénoncé. Dans un de ses nombreux appels du pied à l’électorat socialiste de Raphaël Glucksmann, il a dit avoir eu “une pensée ces 24 dernières heures pour Léon Blum”, qui gouverna en 1936 à la tête d’un “Front populaire”.
Réagissant à chaud à un “flot de paroles, d’injures, et de mépris” du chef de l’État, Jean-Luc Mélenchon a regretté qu’Emmanuel Macron “s’enfonce dans la stratégie du chaos et de la guerre des religions pour brutaliser l’élection”.
Le fondateur de LFI n’a pas exclu d’être candidat à Matignon en cas de victoire de la gauche. “Je ne m’élimine pas, mais je ne m’impose pas”, a-t-il dit au 20 h de France 2, ajoutant se sentir “capable” d’être Premier ministre.
Quant au RN, Emmanuel Macron a fustigé ses ambiguïtés à l’égard de la Russie, sa volonté de “sortir de l’Otan” et son discours contradictoire sur les retraites. “Les masques tombent”, a-t-il lancé, en évoquant aussi le ralliement d’Eric Ciotti. Il a dénoncé des “bricolages d’appareils”, qui ne sont, selon lui, “en aucun cas des majorités pour gouverner”.
En face, il a affiché une “volonté sincère et humble de bâtir des consensus et de tisser des compromis” grâce à l’aide des “sociaux-démocrates” d’une part, de la droite républicaine de l’autre. Il a évoqué une “fédération de projets pour gouverner”, à charge pour les partis du camp présidentiel, déjà privés de majorité absolue depuis deux ans, d’entamer des discussions avec d’autres formations politiques.
Peut-être pour encourager les élus de gauche et de droite, Macron a annoncé pêle-mêle la suppression d’un échelon territorial, éventuellement l’abandon des grandes régions, “un grand débat sur la laïcité”, le maintien de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation. Il a également souhaité l’interdiction des téléphones portables aux enfants de moins de onze ans et confirmé vouloir huit nouveaux réacteurs nucléaires.
Accord à gauche
Mais aucune proposition choc pour lancer la campagne, plutôt la poursuite de la politique menée depuis sept ans. “Ceux qui veulent nous rejoindre pourront enrichir les propositions”, assure son entourage, évoquant des “contacts”.
Prévenu à la dernière minute de la dissolution dimanche, Gabriel Attal a gardé la mine fermée pendant la conférence de presse. À ses côtés se trouvaient les ministres et chefs de la majorité, à l’exception d’Edouard Philippe qui a estimé mardi “pas complètement sain” que le président s’implique trop dans la campagne.
Emmanuel Macron, qui cristallise les critiques, a du reste reconnu sa “responsabilité” dans l’échec de son camp face à l’extrême droite. Il a aussi semblé entendre les voix nombreuses qui, dans sa majorité, l’exhortent à se mettre en retrait de la campagne, assurant qu’elle serait conduite par le Premier ministre et qu’il n’entendait plus débattre avec Marine Le Pen.
Le camp présidentiel devra donc ferrailler avec une gauche unie face à lui : l’accord trouvé par le “Front populaire” attribue à LFI 229 candidatures, au PS 175, aux Écologistes 92 et au PCF 50, selon des responsables socialistes.
“Le travail essentiel sur le programme est toujours en cours de discussion”, ont précisé les mêmes sources. La question de la personnalité qui mènera la campagne demeure ouverte, Jean-Luc Mélenchon, accusé notamment d’ambiguïtés sur la question de l’antisémitisme, crispant une partie de la gauche.