Pour mener bataille face au RN, nul besoin d’un char d’assaut, une Clio peut suffire. Devant la gare du Mans, préfecture de la Sarthe, sa conductrice, enfin garée, écoute à tue-tête une compilation de l’interprète du Temps qui court, Alain Chamfort. « Pour se donner de l’énergie avant une longue journée », s’amuse-t-elle, avec son léger accent grec. Cette mélomane, c’est Marietta Karamali, députée sortante de la deuxième circonscription de la Sarthe et candidate Nouveau Front populaire (NFP), actuellement engagée dans une course contre-la-montre pour obtenir sa réélection. Dimanche dernier, l’élue apparentée socialiste est arrivée en tête du premier tour avec près de 40 % des voix, cinq points devant son adversaire du Rassemblement national (RN), François Fèvre. Loin derrière, le candidat de l’UDI, Samuel Chevalier (23,09 %), s’est finalement désisté pour faire barrage à l’extrême droite. Suffisant pour pouvoir rempiler dimanche prochain ?
Une porte d’entrée vers la Bretagne
Traditionnellement acquise à la droite, incarnée par son émissaire local le plus emblématique, François Fillon, qui y a occupé tous les mandats locaux possibles, la Sarthe a placé, lors de ces élections législatives anticipées, le RN en tête dans toutes ses circonscriptions. Sauf celle-ci, qui fait figure d’îlot de résistance. Bastion industriel à partir du XIXe siècle, la grande tertiarisation de l’économie des années 1990 a depuis longtemps eu raison de son passé ouvrier, ce temps où les plus gros employeurs de la ville étaient encore Renault et la SNCF. « Dernièrement, la fermeture de la papeterie Arjowiggins, ça a été quelque chose », se remémore la députée, en fonction depuis dix-sept ans. En 2019, les 600 emplois du dernier fabricant de papier recyclé français se sont envolés, créant leur inévitable lot de ressentiments et de difficultés. La Sarthe est d’ailleurs vue comme « porte d’entrée prometteuse vers Bretagne » par le parti lepéniste. Comment, alors, la refermer au nez du RN ?
« L’objectif, c’est de convaincre les abstentionnistes du sud de l’agglomération », explique la candidate arrivée en France à l’âge de 20 ans. Première étape de cette matinée de tractage : le petit marché de Pontlieue, aux abords d’un grand parking. En pleine semaine, il n’est fréquenté que par quelques retraités. Ici, on ne salue pas « Madame la députée », mais tout simplement « Marietta ». « On la voit tout le temps sur les marchés, elle est sur le terrain ! », reconnaissent trois administrés qui profitent de la venue de leur élue pour faire remonter leurs principales doléances : contre la vie chère et le manque de médecins. « Pour mes yeux, je n’ai personne à aller voir ! », se désespère l’une des trois qui a commencé à travailler dès l’âge de 14 ans à l’usine en intérim, « tout ça pour une retraite trop basse ». Concernant le pouvoir d’achat, la proposition du Nouveau Front populaire pour augmenter le salaire minimum est donc particulièrement bien reçue. Même si certains, un brin malicieux, préfèrent mettre en avant une promesse du RN : la baisse de la TVA sur le carburant.
Le RN absent contre la désertification médicale
Puisque le temps est compté avant le deuxième tour, direction un second lieu de tractage : Connerré, 4 000 habitants, commune rurale dont 40 % des actifs sont des ouvriers, à une trentaine de kilomètres du Mans. Et qui a massivement voté RN au premier tour, portant son candidat au-dessus des 45 %. « Il n’y pas un immigré ici et très peu de délinquance. C’est le sentiment de déclassement qui motive ce vote », explique le maire sans étiquette, Arnaud Mongella, proche de Marietta Karamali. Une administrée plus jeune que la moyenne s’avance, « pour voir si cela vaut le coup de voter », dit-elle. Avec une préoccupation pourtant peu mentionnée par les électeurs : la guerre en Ukraine. Très vite, l’échange se tend avec l’ex-socialiste. « Il faut faire la paix avec Poutine », s’exclame la jeune femme, avant de se désoler que « toutes les décisions soient prises à Bruxelles ». « Je voulais vous rencontrer, mais je ne voterai pas pour vous, finit-elle par conclure. Beaucoup de Français pensent comme moi ! »
Pas de quoi désespérer la députée en campagne, habituée aux outrances. « Le vote RN, c’est du dégoût, de la punition, et de la colère, analyse-t-elle. Mais en discutant un peu avec eux, on peut espérer le déclic. Il faut mettre de l’humain, partager un peu d’espérance. » Et surtout, démonter les arguments de l’extrême droite. « Le RN n’a pas voté de mesures pour agir sur la démographie médicale et pas non plus pour la hausse du smic ! », explique-t-elle à un petit groupe d’habitants du coin. La députée, pour sa part, a trouvé deux médecins prêts à s’installer à Bouloire, une commune voisine. Qui agit vraiment pour le bien commun ?
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