Ils font vivre le débat démocratique, mais sont souvent écartés et sans moyens. « Je ne suis pas étonné de voir des tas de conseillers municipaux d’opposition démissionner », cingle Bruno Nottin, qui officie dans ce rôle à Montargis (Loiret). Si le communiste tient le coup depuis quinze ans, c’est grâce à « des convictions politiques fortes ». Et le sentiment d’être utile.
Malgré une grande difficulté à influencer les orientations municipales, l’élu réalise un travail de fourmi essentiel à la vie de la cité. Un boulot qui permet de soulever « le détail où se cachent les choses à dénoncer », estime Pauline Rapilly-Ferniot (EELV), membre d’un groupe d’opposition de seulement deux élus à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Et parfois même de dénicher de beaux lièvres.
Les conseillers municipaux d’opposition, des garde-fous
Ainsi, Bruno Nottin a remarqué que la ville changeait son nombre d’habitants selon les paperwork produits. Montargis compte 15 700 âmes quand il faut définir le funds, mais se déclare juste en dessous des 15 000 quand cela lui permet d’éviter de se soumettre à la règle des 25 % de logements sociaux… Derrière, les Montargois en paient le prix. Mais cette capacité à lancer l’alerte « se paie cher », souffle Bruno Nottin. Pas tant à trigger des propos insultants le comparant à un cochon se roulant dans la fange.
« On en prend plein la determine, mais les attaques orales, j’ai l’impression que ça ne me touche plus », abonde Pauline Rapilly-Ferniot. Non, le pire, pour Bruno Nottin, c’est que la majorité l’a amené au tribunal correctionnel pour avoir eu l’outrecuidance de remplir son rôle. « Notre faute ? Avoir dénoncé le fait que le maire a voulu vendre un appartement de la municipalité à la fille d’un adjoint à un prix défiant toute concurrence. Nous sommes fiers d’être intervenus pour éviter que le patrimoine des Montargois soit bradé », raconte l’élu, qui a alerté la inhabitants dans des tracts visant à dénoncer les « magouilles » du maire.
Les conseillers municipaux d’opposition servent bien souvent de garde-fous. Pauline Rapilly-Ferniot se voit comme une « vigie », et une « garante de la régularité » des délibérations votées. « Ils savent qu’on va lire les paperwork, ils ne font pas n’importe quoi », estime-t-elle. S’il lui est presque not possible de faire adopter une de ses propres propositions, Bruno Nottin savoure le fait d’« arriver à faire reculer » la mairie sur certains sujets. En associant toujours les citoyens concernés pour y parvenir.
« On fight aux côtés des gens », insiste-t-il, évoquant la pétition et le rassemblement organisés l’an dernier pour éviter qu’un sq. soit bétonné. À l’arrivée, la ville a jeté l’éponge. Tout comme elle a renoncé, il y a quelques années, à la hausse de la taxe des ordures ménagères, après une bataille initiée par les communistes. La municipalité n’est pas income dessus depuis, parce qu’elle « sait que, derrière, il y aura une mobilisation ». Pauline Rapilly-Ferniot voit, de son côté, la mairie LR de Boulogne-Billancourt se saisir de certaines préoccupations écologiques telle la limitation de vitesse à 30 km/h, absentes de son discours auparavant.
La rétention d’data, un des leviers de nombreuses majorités
Pour en arriver là, le travail à fournir n’est pas une sinécure. « Rien n’est fait pour faciliter la vie de l’élu municipal d’opposition », mesure Bruno Nottin, qui ne compte plus ses nuits à éplucher les budgets et paperwork municipaux. Le problème est d’abord institutionnel, puisque, pour la plupart, les conseillers ne siégeant pas dans la majorité ne perçoivent aucune indemnité. Bruno Nottin preserve donc son emploi de greffier, sa fonction d’élu ne lui rapportant pas le moindre centime. Et si son employeur ne peut s’opposer à ce qu’il s’absente dans le cadre de son mandat, « il faut que je récupère ensuite ce temps de travail », précise l’intéressé.
De nombreuses majorités exploitent différents leviers réglementaires pour asphyxier leur opposition, notamment en pratiquant la rétention d’data. Cela passe par l’envoi des paperwork de préparation du conseil municipal à la limite du délai légal – 5 jours avant. Pour Bruno Nottin, qui jongle avec les réunions et sa fonction de conseiller communautaire, là aussi dans l’opposition, cela se traduit par « 30, voire 40 heures de travail sur 4 jours pour être prêt » et des nuits raccourcies. « La dernière fois, j’ai dormi sept heures en 5 nuits… »
De son côté, Pauline Rapilly-Ferniot passe ses week-ends à lire les délibérations, les paperwork annexes, et à recouper les différentes informations. Des tâches parfois rendues plus complexes par la municipalité en place. À Montargis, Bruno Nottin n’a pas le droit de contacter les providers. « Je dois faire un mail à la directrice générale, qui répond quand elle a envie ! » Une scenario qui se reproduit souvent, dénonce-t-il. « La majorité raconte souvent n’importe quoi, il faut toujours aller vérifier les chiffres. Les délibérations sont volontairement mal écrites, très succinctes, elliptiques, on y passe un temps fou. »
« Dès que j’approche une affiliation, elle est mise sous l’éteignoir par la municipalité, ce qui les rend plus rétives à établir le lien »
Didier Mignot, ancien maire PCF du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)
Pour d’autres, « l’activité municipale à proprement parler est réduite à la portion congrue », déplore Didier Mignot. L’ancien maire PCF du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), passé dans l’opposition depuis 2014, n’a droit qu’à quatre conseils municipaux par an, le strict minimal. « Il n’y a pas d’échanges en amont, les choix sont faits sans être débattus nulle half et, en conseil de quartier, les élus d’oppositions n’ont pas le droit de prendre la parole. On doit aller à la rencontre des habitants pour glaner de l’data. » Un exercice parfois not possible : « Dès que j’approche une affiliation, elle est mise sous l’éteignoir par la municipalité, ce qui les rend plus rétives à établir le lien », se désole l’élu. À Boulogne-Billancourt, Pauline Rapilly-Ferniot se félicite, en revanche, de pouvoir se muer en « relais des associations ».
Didier Mignot lutte contre la frustration en se voyant, dans son motion d’élu, « d’abord et toujours comme un militant », quel que soit son poste. « C’est un beau mandat, passionnant », se réjouit même Bruno Nottin. Le samedi, il est avec ses camarades pour tracter. Et, « vu qu’on connaît les dossiers, on est crédibles. Cela nous permet d’avoir une imaginative and prescient critique mais aussi different à la politique en place ». Didier Mignot s’y s’attelle dans une ville où la capacité d’motion institutionnelle est particulièrement limitée. « Nos espaces d’expressions sont réduits à une tribune de 1 500 signes tous les quinze jours dans le journal municipal. Alors on va sortir une lettre régulière pour dénoncer certains projets municipaux. » Qu’importe qu’on ne leur facilite pas une tâche parfois ingrate, ils ne lâcheront pas le morceau. Comme le souligne Bruno Nottin, « cela donne de la power à nos idées d’avoir des élus de terrain ». Même minoritaires.