Certaines affaires viennent nous rappeler à quel point la célérité judiciaire est une nécessité absolue pour résister aux attaques du patronat lorsque ce dernier décide impunément d’écraser la lutte des classes en violant les libertés fondamentales.
Le 7 février, soit cinq jours avant le début d’une grève relative à la revalorisation des salaires au sein de plusieurs sites d’un fabricant français de produits de boulangerie comptant plus de 1 500 salariés, un élu et représentant syndical CGT était mis à pied à titre conservatoire avec interdiction d’accéder physiquement aux sites de production.
Alors que les textes et la jurisprudence sont constants en ce que la mise à pied à titre conservatoire ne peut priver les élus de l’exercice de leur mandat, la société n’hésitait pas interdire à l’élu l’accès à plusieurs sites en faisant appel à des agents de sécurité, mais également à la gendarmerie qui apportait ainsi sciemment son concours au délit d’entrave manifeste de l’employeur.
Confrontée à la violation évidente du droit syndical, l’inspection du travail intervenait à de multiples reprises, un élu déposait un droit d’alerte auprès du CSE, mais la société visiblement bien accompagnée dans l’exercice de sa violence sociale restait sourde à tous ces rappels à l’ordre.
Pire, elle accompagnait son délit d’entrave d’un dénigrement de l’élu CGT en tentant de justifier l’interdiction du site pour des raisons de « protection de la santé physique et mentale des travailleurs » sur place. C’est dans ce contexte que l’union locale de la CGT de Saint-Avold et l’élu mis à pied saisissaient le tribunal judiciaire de Sarreguemines d’un référé d’heure à heure qui rendait une ordonnance le 16 février 2024.
Après avoir rappelé que l’article 853 du nouveau Code de procédure civile permet au juge des référés de prendre des mesures de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite, la présidente du tribunal constatait la réalité de l’intervention des agents de sécurité, celle des forces de l’ordre, la violation manifeste des rappels à l’ordre de l’inspection du travail, l’absence du moindre début d’élément de preuve sur le prétendu harcèlement dont l’élu était accusé, et enjoignait ainsi à l’employeur de laisser l’élu accéder aux sites afin qu’il puisse exercer ses mandats de représentant du personnel, sous peine d’une astreinte de 5 000 euros par jour de retard.
Cette affaire rappelle une nouvelle fois à quel point l’intervention rapide du juge reste essentielle et indispensable pour rééquilibrer le rapport de force dans les luttes collectives, notamment face au patronat. Il faut ainsi garder à l’esprit que toute tentative gouvernementale tendant à éloigner le juge des justiciables, que ce soit par la surpression des tribunaux ou par l’absence de réaction face aux délais déraisonnables des procédures, ouvre nécessairement la porte aux dérives de l’autoritarisme.