Il a mis le temps, lui d’habitude si prompt à exploiter politiquement les faits divers les plus choquants. Il a fallu attendre dimanche 27 avril, en début d’après-midi, pour qu’on apprenne que le ministre de l’Intérieur et des Cultes Bruno Retailleau se rendrait finalement dans le Gard pour, selon ce que son entourage indiquait à l’AFP, rencontrer la communauté musulmane.
Mais pas à La Grand-Combe, ébranlée par le meurtre qui s’y est produit le matin du vendredi 25 avril. Avant le rassemblement « contre l’islamophobie » dans la soirée du dimanche 27 avril place de la République, à Paris, environ 2 000 personnes, selon Ici Gard Lozère (anciennement France Bleu), ont formé une marche blanche allant de la mosquée où s’est produit le meurtre jusqu’à la mairie, dans cette commune de 5 000 habitants. Selon les mêmes sources, le ministre était « très attaché » à ne pas perturber ce moment de recueillement.
La piste d’un acte antimusulman privilégiée, selon le procureur
La victime, prénommée Aboubakar, est un jeune Malien de 23 ans installé depuis plusieurs années à La Grand-Combe, où, selon les témoignages recueillis par les médias locaux, il était connu et apprécié des habitants. Vendredi matin, il s’est rendu comme d’habitude à la mosquée Khadidja pour y faire le ménage, avant l’arrivée des fidèles pour la prière. C’est à 8 h 30 qu’il y a rencontré le suspect, Olivier H., un Français d’une vingtaine d’années, né à Lyon dans une famille d’origine bosnienne – des sources policières précisent qu’il n’est pas musulman. C’est là que, sous l’œil des caméras de surveillance, il a frappé Aboubakar de 40 à 50 coups de couteau. Selon le procureur de la République d’Alès, il se serait ensuite filmé avec son téléphone devant la victime agonisante, répétant : « Je l’ai fait, (…) ton Allah de merde. »
La recherche de l’auteur présumé se poursuivait dimanche. Soulignant « la très grande froideur » et « la grande maîtrise de lui » de l’individu, le procureur l’a décrit comme « potentiellement extrêmement dangereux », ayant, au fil des « propos très décousus » tenus dans la vidéo, « manifesté l’intention de recommencer ». Pour lui, « toutes les pistes » devaient être envisagées pour expliquer son geste, mais celle d’un « acte antimusulman est privilégiée ». Dès samedi soir sur le réseau social X (ex-Twitter), le premier ministre François Bayrou a dénoncé une « ignominie islamophobe ». Dimanche après-midi, c’est le président de la République Emmanuel Macron qui finissait par signifier « le soutien de la nation » aux proches de la victime et « à nos compatriotes de confession musulmane », ajoutant que « le racisme et la haine en raison de la religion n’auront jamais leur place en France ».
À gauche, la dénonciation du crime islamophobe était unanime, les Verts, la France insoumise, le PCF… se joignant à l’appel au rassemblement place de la République. « C’est une religion tout entière qui a été visée », affirmait ainsi le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel : « Nous apportons tout notre soutien à nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane », ajoutait-il, ainsi qu’« aux habitants de cette commune minière du Gard » qu’est La Grand-Combe. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) appelait de son côté « à déclencher immédiatement un plan national de protection renforcée des lieux de culte musulmans ». Son vice-président, Abdallah Zekri, également recteur de la mosquée Sud-Nîmes, soulignait dans le Parisien « une inquiétude chez les fidèles » du Gard : « Ils ont hâte que l’auteur soit arrêté (…) et veulent aussi connaître les raisons » du meurtre.
« Un climat de haine amplifié par le silence des responsables politiques »
Déplorant encore « que le préfet ne se déplace pas pour leur apporter son soutien et les rassurer », le responsable religieux dénonçait également « les conséquences dramatiques de la banalisation et de la médiatisation de la haine antimusulmane ». Il rejoignait ainsi Fabien Roussel, expliquant « à quel point la haine antimusulmans peut armer le bras de criminels en puissance », ou le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), qui rappelait « plusieurs attaques récentes contre des lieux de culte » musulmans, comme l’incendie de la mosquée de Jargeau (Loiret) fin février ou des coups de feu sur le local d’une association franco-maghrébine à Morteau (Doubs) début mars.
Pour le mouvement, ces actes s’inscrivent « dans un climat de haine amplifié par le silence des responsables politiques, quand ils ne sont pas eux-mêmes à l’origine d’une stigmatisation inadmissible d’une partie de la population ». Bruno Retailleau est en droit de se sentir visé, lui dont SOS Racisme a dénoncé « l’entreprise politique qui est la sienne », consistant « à présenter les musulmans comme un groupe représentant une menace pour notre pays ».
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