Un juge du comté de Fulton a rejeté six des 41 accusations portées contre Donald Trump et ses alliés dans la vaste affaire d’ingérence électorale de la Géorgie contre l’ancien président et d’autres.
Le 13 mars 2024, le juge de la Cour supérieure du comté de Fulton, Scott McAfee, a rendu une décision axée sur des accusations liées à des allégations selon lesquelles Trump et d’autres accusés auraient tenté d’amener les responsables de l’État à enfreindre la loi et à décertifier les résultats des élections de 2020.
La décision ne signifie pas que l’ensemble de l’affaire fait dérailler, explique Anthony Michael Kreis, spécialiste des élections en Géorgie et juriste. Il s’agit d’une décision ciblée et technique qui indique que le procureur du district de Géorgie, Fani T. Willis, n’a pas précisé quelle loi exacte les accusés violeraient dans certains cas.
Cela n’a rien à voir non plus avec les efforts de la défense visant à disqualifier Willis de l’affaire Trump en raison de sa relation amoureuse avec un autre procureur. Un juge de la région d’Atlanta devrait bientôt se prononcer sur cette question.
Amy Lieberman, rédactrice en chef de la politique et de la société, s’est entretenue avec Kreis pour mieux comprendre ce qui se cache derrière cette décision et ses implications pour le dossier de la Géorgie contre Trump et ses alliés.
Que s’est-il passé avec cette décision ?
Essentiellement, ce que nous avons ici est une réponse à une requête en justice déposée au nom d’un certain nombre d’accusés, dont Trump. Dans cette motion, Trump et ses coaccusés affirment que l’État n’a pas donné suffisamment de détails sur les crimes dont les accusés ont été accusés et qu’il devrait donc être rejeté.
L’ensemble des accusations tourne autour de la notion de violation d’un serment. Cela est survenu à la suite de l’appel téléphonique de Trump avec le secrétaire d’État géorgien Brad Raffensperger, Trump lui demandant de « trouver » 11 780 voix qui lui auraient permis de gagner en Géorgie. Les accusations concernaient également le témoignage de certains accusés devant l’Assemblée générale de l’État, demandant à l’Assemblée législative de Géorgie d’annuler les élections et de nommer ses propres électeurs.
Les accusations étaient fondées sur la théorie selon laquelle ces accusés auraient illégalement demandé aux représentants de l’État de violer leur serment et leur devoir envers les constitutions des États-Unis et de l’État de Géorgie. Ce qui n’était pas clair, c’est quelles dispositions ils auraient tenté d’inciter les représentants de l’État à violer.
Dans sa décision, le juge dit que l’État doit retourner devant le grand jury et fournir des détails sur les aspects exacts de la Constitution que ces accusés auraient tenté de faire violer par les représentants de l’État, afin que les accusés aient la possibilité de se défendre contre ces des charges.
Le juge dit-il qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour poursuivre cette affaire ?
Non. Il dit que l’État n’a pas suffisamment expliqué le lien entre les preuves et le serment. Par exemple, nous savons que Rudy Giuliani s’est rendu à l’Assemblée générale de Géorgie avec John Eastman et a fourni de fausses informations afin d’encourager ces représentants de l’État à annuler les élections. La théorie est que cela a violé à la fois la constitution fédérale et celle des États.
Mais un procureur peut faire valoir cette affirmation de différentes manières. Ont-ils violé le droit de vote inscrit dans la Constitution géorgienne ? ont-ils violé la clause d’égalité de protection de la Constitution américaine ? Est-ce le droit de vote qui est inscrit dans la Constitution de l’État de Géorgie ? Ou y a-t-il une autre disposition de la loi fédérale ou étatique qu’ils ont violée ? Ce n’est tout simplement pas clair.
Les preuves à l’appui des accusations sont là. Ce qui manque, c’est la théorie précise du crime et les éléments exacts qui étayent ces accusations.
Cette décision vous a-t-elle surpris ?
Non. Ces frais sont en quelque sorte uniques. Ce n’est pas quelque chose dont les gens ont vraiment entendu parler dans ce contexte, en particulier lorsqu’il s’agit de législateurs d’État et d’électeurs présidentiels. Nous sommes dans un domaine de la théorie juridique unique et sans précédent. Le juge dit que, parce que nous sommes dans cette nouvelle sphère de la théorie juridique, l’État doit vraiment être précis sur ce qu’il essaie de prouver ici et sur la nature de la criminalité.
L’accusation de violation d’un serment n’est tout simplement pas quelque chose que nous voyons dans l’État de Géorgie. Les accusations ont été rédigées d’une manière très originale, mais elles répondent à une situation sans précédent. Nous sommes dans une sorte de Far West où il est question de légiférer. Et ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, mais cela nécessite un peu plus d’attention aux détails. Et les procureurs ne l’ont tout simplement pas encore fait.
Cela pourrait-il retarder le procès contre Trump et ses alliés en Géorgie ?
Peut être. Il faudra voir. Willis peut présenter un nouvel acte d’accusation plus détaillé et plus conforme au serment de l’État. Je pense que si Willis présente un autre acte d’accusation sur ces accusations, il n’y aura probablement pas de retard.
Si elle fait appel de cette décision, plutôt que de simplement demander un nouvel acte d’accusation, cela pourrait ralentir un peu les choses.
Est-ce le signe que l’affaire déraille ?
Non. L’ensemble de l’acte d’accusation, à l’exception de la violation des serments d’office, est toujours valable. Cela donne du travail au procureur mais ne constitue pas un détail fatal. Willis peut consulter les experts en droit constitutionnel de son groupe de travail et se concentrer sur la théorie d’une violation constitutionnelle. Et elle croquera encore une fois dans la pomme.