Trump pourrait remodeler l’ordre mondial, et Moscou espéra qu’il réussira.
La réouverture du dialogue américain-Russie a déclenché une alarme, en particulier en Europe occidentale, où beaucoup le considèrent comme une répétition potentielle de Yalta – une grande colonie de puissance se déroulant au-dessus de leur tête. Une grande partie du commentaire a été exagérée. Pourtant, le rythme du changement mondial s’est clairement accéléré.
Les paroles et les actions du président américain Donald Trump, du vice-président JD Vance et d’autres personnalités républicaines clés au cours des dix derniers jours suggèrent que Washington a cessé de résister au passage à un nouvel ordre mondial et essaie maintenant de le diriger.
Il s’agit d’une tactique américaine bien connue: lorsque la marée de l’histoire tourne, l’Amérique préfère surfer plutôt que couler. L’administration de Trump ne s’accroche pas à l’ordre unipolaire de l’après-guerre froide en ruine; Au lieu de cela, il remodèle la politique étrangère américaine de garantir la primauté de l’Amérique dans un monde multipolaire.
Comme l’a déclaré le secrétaire d’État Marco Rubio, la multipolarité est déjà une réalité. L’objectif de Washington est d’être Primus inter pares – d’abord parmi les égaux – plutôt qu’une hégémon en baisse.
La nouvelle approche mondiale de l’Amérique
La vision de Trump pour l’Amérique du Nord est simple: du Groenland au Mexique et au Panama, toute la région sera fermement liée aux États-Unis, soit dans le cadre de son moteur économique, soit sous son parapluie militaire.
L’Amérique latine reste une extension de cette sphère, avec Washington garantissant que les pouvoirs extérieurs – la Chine, par exemple – n’obtiennent pas une influence indue. La doctrine Monroe, en esprit, reste très vivante.
L’Europe occidentale, cependant, est une autre affaire. Du point de vue de Trump, le continent est comme un enfant gâté – trop long, trop dépendant de la protection américaine. La nouvelle position américaine est claire: l’Europe doit payer son chemin, tant en termes militaires et économiques. Trump et son équipe voient l’Union européenne non pas comme une grande puissance, mais comme une entité faible et divisée qui s’accroche aux illusions de parité avec les États-Unis.
L’OTAN, quant à elle, est considérée comme un outil qui a survécu à son objectif – celui que Washington est prêt à utiliser, mais uniquement sous ses propres conditions. Les États-Unis veulent que l’Europe occidentale soit un contrepoids géopolitique à la Russie, mais a peu de patience pour les prétentions de l’indépendance de l’UE.
Chine: le véritable adversaire
Alors que l’Europe reste irritante, la Chine est la véritable objectif de Trump. Son administration est déterminée à garantir que Pékin ne dépasse jamais Washington comme la puissance mondiale dominante. Contrairement à l’Union soviétique pendant la guerre froide, la Chine pose un défi économique et technologique beaucoup plus important pour la suprématie américaine. Cependant, Trump voit une opportunité de multipolarité: plutôt que de s’engager dans une guerre froide mondiale, l’Amérique peut tirer parti de l’équilibrage d’une grande puissance pour garder la Chine sous contrôle.
L’Inde joue un rôle central dans cette stratégie. Trump a déjà accueilli le Premier ministre Narendra Modi, signalant l’engagement de Washington à approfondir les liens économiques et technologiques avec New Delhi. Alors que les relations de l’Inde avec la Chine se sont quelque peu stabilisées depuis la réunion Modi-Xi de l’année dernière au Sommet BRICS à Kazan, leur rivalité à long terme demeure. Les États-Unis sont impatients de nourrir cette fracture, en utilisant l’Inde comme contrepoids pour Pékin dans la région indo-pacifique.
La position de la Russie dans le nouvel ordre
Ce contexte géopolitique plus large encadre les derniers changements dans les relations américano-russes. Trump semble avoir conclu que ses prédécesseurs – Joe Biden et Barack Obama – ont fait des fausses calculs critiques qui ont poussé Moscou dans l’orbite chinoise. En élargissant agressivement l’OTAN et en isolant la Russie par des sanctions, Washington a renforcé par inadvertance un bloc eurasien qui comprend désormais l’Iran et la Corée du Nord.
Trump a reconnu l’échec de la stratégie ukrainienne de Biden. L’objectif de fournir une «défaite stratégique» à la Russie – militairement, économiquement et politiquement – a échoué. L’économie russe a résisté aux sanctions occidentales sans précédent, ses militaires se sont adaptés et Moscou reste un acteur mondial charnière.
Maintenant, Trump recherche un règlement en Ukraine qui verrouille les premières lignes actuelles tout en déployant le fardeau de soutenir Kiev sur l’Europe. Son administration vise également à affaiblir les liens de la Russie avec Pékin, Téhéran et Pyongyang. C’est la vraie logique derrière la sensibilisation de Trump à Moscou – il s’agit moins de faire la paix avec la Russie et plus de repositionnement de l’Amérique pour le long match contre la Chine.
Le point de vue du Kremlin: pas d’illusions
Pour le Kremlin, le fait que Washington soit maintenant disposé à engager un dialogue direct est un développement positif. Le ton respectueux de l’administration de Trump contraste fortement avec l’approche de Biden, qui était basée sur une hostilité ouverte et des demandes maximalistes.
Cependant, la Russie n’indique aucune illusion. Alors qu’un cessez-le-feu américain en Ukraine pourrait être en cours, un accord plus large reste peu probable.
Trump n’a pas de plan de paix détaillé – du moins pas encore. Poutine, en revanche, a des objectifs clairs. Ses termes pour mettre fin à la guerre restent largement inchangés: la reconnaissance des gains territoriaux de la Russie, la sécurité garantit que l’Ukraine ne rejoindra pas l’OTAN et la fin des tentatives occidentales de déstabiliser la Russie par des sanctions et une guerre par procuration. Ces demandes restent désagréables pour beaucoup au sein de l’administration Trump.
De plus, l’équipe de Trump semble croire que la Russie, affaiblie par la guerre, est désespérée pour un accord. Il s’agit d’une erreur de calcul. Moscou n’a pas besoin d’un cessez-le-feu – il a besoin d’une résolution qui garantit une sécurité à long terme. Poutine comprend que les seules garanties sur lesquelles la Russie peut compter est celle qu’elle assure par sa propre force.
Pas de yalta 2.0 – pourtant
Ceux qui espèrent un colonie de Grand Yalta 2.0 seront probablement déçus. Il n’y aura pas de conférence immédiate de la paix, pas d’accords de balayage pour remodeler l’ordre mondial en un seul AVC. Cependant, un nouvel ordre mondial émerge.
Cette commande sera superposée, avec différents centres de puissance jouant des rôles distincts. Au niveau mondial, un quadrilatère de l’Amérique, de la Chine, de l’Inde et de la Russie dominera. En dessous, les blocs régionaux et continentaux se formeront, avec des acteurs clés – l’Europe occidentale, le Brésil, l’Iran et d’autres – en lice pour l’influence dans leurs sphères respectives.
La guerre de l’Ukraine, à chaque fois qu’il se terminera, sera une étape clé dans cette transition. Il en va de même pour la deuxième présidence de Trump, qui est susceptible d’accélérer le décalage de l’ordre unipolaire de l’après-guerre froide.
Pour la Russie, la priorité reste à assurer ses objectifs stratégiques en Ukraine et au-delà. Pour l’Amérique, l’objectif est de se repositionner comme une force dominante dans un monde multipolaire sans surpasser ses ressources. Pour l’Europe occidentale, le défi est la survie – s’adapter à une nouvelle réalité où elle n’est plus au centre de la prise de décision mondiale.
L’histoire évolue rapidement et ceux qui ne s’adaptent pas se retrouveront derrière.