C’est ce qu’on appelle le sens du timing. Alors que trois personnes exilées ont été retrouvées mortes sur une embarcation au large de l’Espagne, ont informé dimanche 13 octobre les garde-côtes espagnols, le gouvernement Français a annoncé ce même jour, une nouvelle loi sur l’immigration, dont l’examen pourrait démarrer dès « début 2025 » au Parlement, à peine un an après la promulgation de la dernière loi immigration.
Mais, « il y aura besoin d’une nouvelle loi », notamment pour permettre « la prolongation » de « la rétention administrative », a déclaré sur BFMTV la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. Une des pistes envisagées est de faire passer la durée maximale de rétention de 90 à 210 jours, ce qui n’est possible pour le moment qu’en matière d’infractions terroristes. Et la porte-parole ne « ne s’interdit pas de réfléchir à d’autres dispositions ». Elle a argué qu’il ne devait y avoir « aucun tabou en matière de protection des Français », expliquant que le gouvernement allait discuter avec « l’ensemble des groupes parlementaires » et n’allait « pas chercher le soutien du Rassemblement national ».
De nombreuses dispositions de la précédente loi censurées par le Conseil constitutionnel
Et pourtant, cette annonce est bel et bien un cadeau au Rassemblement national. Deux semaines plus tôt, la cheffe de file du parti Marine Le Pen avait énuméré des « lignes rouges » et exigé une nouvelle loi sur l’immigration. « Nous vous demandons (…) de remettre à l’agenda, dès le premier trimestre 2025, une loi immigration restrictive, reprenant a minima les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel » avait lancé Marine Le Pen. Ces propos s’inscrivent dans un contexte où le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau multiplie les gages à l’extrême droite, permettant à son gouvernement de s’assurer du soutien tacite du RN qui pour l’instant ne le censure pas.
La précédente loi immigration, promulguée le 26 janvier, avait fait l’objet de débats très tendus au sein même de l’ex-majorité présidentielle qui avait pu faire voter le texte grâce à l’abstention des députés RN. « Quotas » migratoires fixés par le Parlement, rétablissement du délit de séjour irrégulier, caution de retour pour les étudiants étrangers, mesures de restriction du regroupement familial ou restreignant le droit du sol : le Conseil constitutionnel avait censuré de larges pans du texte.
Au total, 32 des 35 dispositions rejetées avaient été considérées comme des cavaliers législatifs, c’est-à-dire sans lien suffisant avec le projet de loi initial. Les mesures censurées par le Conseil constitutionnel « serviront de bases pour le nouveau projet de loi sur l’immigration », a assuré à l’AFP une source gouvernementale. « Certaines pourraient être modifiées et il y aura des ajouts. »
Un « gage à l’extrême droite »
L’annonce de cette nouvelle loi a fait bondir à gauche. « On a un gouvernement (…) qui nous refourgue une loi immigration comme gage à l’extrême droite. Tout ça est cousu de fil blanc », a réagi le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. « C’est reparti pour des semaines de saturation du débat public autour des thèmes de l’extrême droite », a abondé le député Benjamin Lucas (Génération.s). L’Écologiste Cyrielle Chatelain a quant à elle regretté « une accumulation législative qui ne règle rien ».
Une annonce également dénoncée par les associations. « Bruno Retailleau n’a que le mot “République” à la bouche, mais il ne voit aucun problème à l’abîmer à jet continu », a dénoncé l’ex-ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem, aujourd’hui présidente de France Terre d’Asile. Le collectif de soutien aux personnes exilées Utopia 56 a également dénoncé, sur X (ex-Twitter), que la « nouvelle loi immigration » était une manière d’« occuper l’espace médiatique avec des discours de haine, des débats sur de fausses solutions, et éviter, encore, les discussions sur l’accueil, le manque de place d’hébergement d’urgence et l’absence de voies de passages sûres ».
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