Entre agroécologie et alimentation, dont elle a la charge à la Métropole, PLUi, ZFE et municipales, la vice-présidente de la Métropole et maire de Murviel-lès-Montpellier aborde tous ces sujets sans tabou.
En charge notamment de l’agriculture et de l’alimentation à la Métropole, comment arrivez-vous à concilier développement urbain et préservation de l’agriculture sur le territoire ?
Le PLUi a classé le territoire en deux tiers de zones agricoles et naturelles et un tiers constructible. On applique aussi la loi du zéro artificialisation nette. Mais la planification mise en œuvre dans le cadre du PLUi et du SCoT ne suffit pas pour plusieurs raisons : l’attentisme de propriétaires qui espèrent que leurs terres soient constructibles ; l’éclatement du foncier agricole ; le développement des friches et de la cabanisation, et des exploitations agricoles qui, avec notamment la crise viticole, risquent de ne pas être reprises ou être rachetées par des investisseurs étrangers, faisant que ce foncier échappera à la dynamique territoriale que nous tâchons de mettre en place. À terme, le foncier agricole risque d’être encore plus morcelé et l’activité agricole devenir une agriculture de firme, empêchant, de surcroît, des porteurs de projet de s’installer.
Quelles actions peuvent être entreprises pour éviter cela ?
Nous avons mis en place à la Métropole, de concert avec la Vallée de l’Hérault, un groupe de travail informel, Gaïa, pour avoir une connaissance précise de l’offre foncière existante et des porteurs de projet, et pour réaménager le foncier agricole avec des infrastructures agroécologiques. Deux associations foncières agricoles ont été également créées sur la métropole sur 600 ha à remettre en état avant de pouvoir y installer des porteurs de projet.
Quelles sont les autres initiatives pour l’agriculture de la Métropole ?
L’agriculture dans notre département a de plus en plus une fonction nourricière par la diversification de ses cultures, ce qui n’était pas autant le cas par le passé. C’est ce que nous cherchons à appuyer par l’action foncière que nous menons, ainsi que par des actions techniques, notamment dans les aires de captage d’eau, et des actions économiques pour développer des filières bas-intrants. Des expérimentations sont en cours avec des agriculteurs sur les cultures de pois chiches, petit épeautre et lentilles, peu gourmandes en eau et en intrants. Ce projet a été retenu dans le Plan “agriculture climat Méditerranée”. Le but est de permettre la reterritorialisation des filières à forte valeur ajoutée.
On agit aussi par le biais du MIN de Montpellier (Marché d’intérêt national) pour aider les producteurs à faire de la valeur ajoutée et la garder sur le territoire. Toujours dans cette volonté que les agriculteurs soient rémunérés au juste prix, on a créé la plateforme BoCal, testée depuis 2024, qui recense les points de vente de produits de proximité. On va aussi lancer un projet de plateforme de semi-gros. Reste à trouver un endroit.
La Banque des territoires, avec laquelle une convention vient d’être signée au Salon de l’agriculture, a retenu votre projet TerrAsol. De quoi s’agit-il ?
C’est un projet en faveur de la transition alimentaire. Sur les sept territoires retenus sur cette thématique, nous sommes les premiers à passer au stade de l’investissement, avec une dotation de 20 M€ pour les douze actions que nous avons ciblées, dont un abattoir mobile multi-espèces qui se déplacera dans l’Hérault, le Gard et la Lozère, des petits abattoirs de volailles dans l’Hérault, la création d’un réseau de maisons d’alimentation solidaire… Par un projet de territorialisation, on peut ainsi obtenir un juste prix pour l’agriculteur et un juste accès à l’alimentation pour les consommateurs.
Pour la ZFE, mais pas de suite
Changeons de sujet à présent. Quelle est votre position sur la ZFE et pourquoi votre commune a-t-elle voté un moratoire ?
J’y suis favorable parce que je considère qu’il en faut une et parce que je ne mettrai jamais la santé de mes concitoyens dans la balance. Mais pour mettre en place la ZFE, il faut des mesures d’accompagnement qui n’ont pas été encore mises en place pour les communes comme la mienne, à savoir qu’il n’y a aucune alternative à la voiture. Autrement dit, le timing n’est pas le bon. C’est la raison pour laquelle, avec mon conseil municipal nous avons voté un moratoire. On demande juste un délai.
Un collectif de Murviellois vous reproche d’avoir accepté dans le PLUi sur votre commune un projet de construction d’une trentaine de logements qu’il considère trop imposant en cœur de ville. Qu’en est-il ?
En tout premier lieu, je souhaite préciser que le collectif mentionné se compose de deux riverains du village. Le projet Cœur de village, que nous portons depuis mon premier mandat et pour lequel nous avons été élus en 2020, n’est pas un projet de logements mais un projet de requalification du cœur du village, dont l’objectif est de maintenir nos commerces en centre-ville. Sur la question des logements, les premières études en prévoyaient 45. Une vingtaine suffit et l’emprise foncière qui sera la leur correspond aux huit logements que proposent ces riverains.
Une fois cela précisé, il n’y a aucun projet concret opérationnel pour l’heure, ni permis de construire, ni financement. Quand j’ai été élue en 2014, je me suis battue contre le projet de ZAC, qui portait sur 25 ha, et dont le contrat de concession avait été signé. J’ai réussi à le faire annuler et à le faire passer à 5 ha. Alors, quand on me parle de vouloir bétonner le village, c’est un peu fort.
Allez-vous vous représenter aux prochaines municipales ?
J’avoue que j’hésite. Il y a des jours où je me dis que oui, et d’autres non. Je prendrai ma décision en avril.
Bio Express
Ingénieur agronome, Isabelle Touzard a été directrice adjointe de Montpellier SupAgro, puis directrice des services d’appui. Fille d’agriculteurs, elle a une sensibilité familiale à la nature, l’agriculture et l’alimentation. Maire de Murviel-lès-Montpellier depuis 2014, elle est aussi vice-présidente en charge de la politique agroécologique et alimentaire à la Métropole de Montpellier depuis 2014.