Par Pierre Serna, historien, chercheur à l’Institut d’histoire de la Révolution française, IHMC
Ainsi donc, une partie des médias qui avaient fortement contribué à construire le personnage du président de la République, presque inconnu en 2016, et l’avaient plus ou moins soutenu dans sa volonté d’inventer une troisième voie pour sortir d’un affrontement droite-gauche prétendument sclérosé, aujourd’hui proclament que le macronisme est une période révolue. L’ensemble de ce qui accompagnait l’extrême centre, sa volonté systémique de fragiliser le pouvoir législatif, son désir d’un surpouvoir de l’exécutif, une faculté de répression policière en guise d’ordre public, contre toute manifestation républicaine serait terminé.
Ce premier volet du programme mis en place depuis 2017, complété par un démantèlement systématique d’un État garantissant une qualité de services publics enviée d’autres pays, menaçant une protection sociale, détricotant des avancées dans le maillage du territoire et affaiblissant une politique de santé garantissant au plus grand nombre une médecine hospitalière de grande qualité, serait obsolète. Le pari de la dissolution de l’Assemblée nationale au mois de juin, se transformant en fiasco lors des élections qui s’ensuivirent, a plongé le pays dans une sorte de chaos politique ne permettant pas à une majorité de s’imposer au sein de l’Hémicycle. Refusant de donner sa chance au Nouveau Front populaire, première force en termes de députés, le président s’est enfoncé dans son erreur en choisissant un premier ministre issu d’un groupe fort minoritaire et finalement attirant sur son gouvernement la seconde motion de censure de la Ve République, fait inédit depuis 1962. Le désordre, la pagaille, le temps gâché demeurent à l’horizon. Les opportunités de politique constructives de retissage du maillage des services publics s’éloignent encore un peu plus. Pour autant, et malgré tous ces revers, est-ce bien la fin précipitamment annoncée du macronisme à laquelle nous assistons ?
Ce serait aller bien vite en besogne que de l’affirmer. En rejetant le gouvernement pourtant affaibli et contraint à de nouveaux compromis, ce qui aurait pu être une façon de le tenir en surveillance de près, les députés redonnent la main au président qui ne manque pas dans son allocution télévisée de le rappeler. Il est là, se posant en seul garant des institutions, et doux rêveur ou rêveuse est celui ou celle qui pense qu’il va démissionner. Il est encore là pour trente mois. Profitant de la réouverture de Notre-Dame pour organiser un show télévisuel mondial le présentant accueillant des chefs d’État du monde entier, il se démène pour peser dans l’actualité internationale. Il est, cette semaine, revenu au centre de l’attention en arbitre des difficultés du pouvoir législatif qui s’en remet à lui pour trouver un improbable premier ou première ministre qui se retrouvera en face des mêmes difficultés que le précédent. D’ailleurs l’évocation d’un gouvernement dit « d’intérêt général » laisse supposer la formation d’une coalition d’une équipe d’experts qui pourrait se substituer à une équipe ministérielle porteuse d’un projet politique, et donc poursuivre l’idéologie de l’extrême centre de dépolitiser la vie gouvernementale d’abord, du pouvoir législatif ensuite, de la nation enfin. Certes l’extrême centre n’est pas une politique pérenne et a une pente malsaine qui mène vers des formes populistes que l’extrême droite incarne en face d’une union forte de la gauche qui peine à se construire malgré l’urgence. Il n’en demeure pas moins. Malgré le chaos, ou parce que la confusion précédente a été l’étincelle de son premier feu, il serait illusoire d’imaginer que le macronisme et les méfaits qu’il entraîne dans la vie politique française sont une page tournée et désormais caduque après les échecs subis. Nous n’en avons pas terminé avec l’extrême centre.
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