« Le gouvernement fédéral présente des excuses publiques pour l’esclavage et ses conséquences ». C’est avec ces mots que le procureur général du Brésil Jorge Messias a présenté ce jeudi, pour la première fois, des excuses à la population noire de la première puissance latino-américaine, amplement bâtie grâce au travail forcé de cinq millions d’Africains et de leurs descendants pendant près de quatre siècles.
Dans son message, Jorge Messias a souligné la nécessité de continuer à lutter contre la discrimination raciale dans le pays, tout en reconnaissant les efforts restant à réaliser pour promouvoir l’émancipation des Brésiliens noirs. Il s’est aussi engagé à renforcer les politiques publiques allant dans ce sens, alors que la question de comment remédier au lourd héritage laissé par l’esclavage s’est invitée dans le débat public brésilien depuis plusieurs années.
Frappée le racisme et les inégalités, la société brésilienne voit les descendants des esclaves vivre moins longtemps, sont plus malades, ont de moins bons emplois et sont généralement plus pauvres que leurs compatriotes blancs.
Sur ses 214 millions d’habitants, 10,6 % de la population du Brésil se considère comme noire, tandis que la proportion de métisses (45,3 %) a dépassé l’année dernière celle des blancs (43,5 %) pour la première fois depuis 1991, selon les données de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques.
La « journée de la conscience noire » : fériée au niveau national
L’année dernière, la présidente de la banque publique Banco do Brasil Tarciana Medeiros, avait demandé « le pardon du peuple noir » pour l’implication de l’institution qu’elle préside en matière d’esclavage et de trafic d’êtres humains en provenance d’Afrique au cours du XIXe siècle.
« Directement ou indirectement, l’ensemble de la société brésilienne devrait s’excuser auprès des noirs pour toute participation à ce triste moment de l’histoire », avait déclaré Medeiros, première Afro-descendante à présider la plus grande institution financière publique du pays sud-américain.
Quelques mois auparavant, le ministère public avait ouvert une enquête contre la Banque du brésil après qu’un groupe d’historiens a révélé sur le rôle de l’institution, fondée en 1808, dans l’économie esclavagiste de l’époque. Certains de ses fondateurs et actionnaires auraient ainsi compté « parmi les marchands d’esclaves les plus notoires de l’époque ».
Grâce à une loi approuvée en fin d’année dernière par le gouvernement du président Luiz Inácio Lula da Silva, la Journée de la conscience noire a pu être célébrée, ce 20 novembre, pour la première fois comme un jour férié au niveau national. Auparavant, seul six États du pays considérait la date comme festive.
Plus de 3 000 travailleurs en situation similaire à l’esclavage en 2023
Le Brésil a été le dernier État des Amériques à rompre avec l’esclavage, le 13 mai 1888. La promulgation de la loi d’Or a officiellement mis fin à plus de trois siècles d’esclavage dans le pays, sans y mettre un terme définitif. En janvier dernier, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le « travail esclave », le ministère du Travail et de l’emploi du Brésil (MTE) a annoncé avoir « rescapé » 3 190 travailleurs « de situations similaires à l’esclavage » en 2023, soit le nombre le plus élevé enregistré au cours des 14 dernières années. Le secteur agricole est celui ayant présenté le plus de cas, avec les cultures du café et de la canne à sucre en premières positions.
En avril dernier, le gouvernement brésilien avait déjà présenté des excuses pour les atrocités commises contre les peuples indigènes pendant la dictature militaire (1964-1985). Ce geste sans précédent était intervenu alors que le pays commémorait le 60e anniversaire du coup d’État de 1964, soutenu par les États-Unis.
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