Ils étaient 300 salariés de Thales à manifester devant le siège du groupe à Meudon (Hauts-de-Seine) ce jeudi 23 janvier. À l’appel d’une intersyndicale de la CGT, CFDT, CFE-CGC et CFTC, les travailleurs du groupe d’électronique pour le civil et le militaire sont venus exiger des négociations portant sur des hausses salariales dignes de ce nom. Occupant les rues habituellement calmes de ce quartier avec de la musique et des drapeaux aux différentes couleurs des organisations syndicales, ils ont relancé une lutte sur les rémunérations de plusieurs semaines, sous les yeux de 80 CRS.
Commencées en fin d’année dernière, les négociations salariales ont connu un coup d’arrêt avant les fêtes. « La direction est venue avec une proposition de + 2 %. Elle nous a dit rapidement qu’elle ne pouvait pas aller plus loin », explique Grégory Lewandowski, coordinateur de la CGT Thales. Mais « 2 %, c’est une aumône, ça ne couvre même pas l’inflation. Nous attendons un geste plus significatif », insiste Christophe, salarié du groupe.
À ses côtés, Lionel, sept ans d’ancienneté, y voit « un manque de considération pour notre travail. Les profits vont toujours aux actionnaires. Mais pour les salariés, c’est des miettes ». Au vu des bénéfices record du groupe (1 milliards d’euros au premier semestre de 2024), la proposition de la direction est mal accueillie par les représentants du personnel, qui revendiquent en moyenne 3,5 % (6 % pour la CGT).
Un manque de considération
Le sentiment de manque de considération évoqué par les personnels en grève se traduit par un « désinvestissement dans le travail au quotidien », comme l’explique Florent, employé du site de Brest (Finistère). « Les collègues se disent : « Je ne vais pas forcer alors qu’on ne me donne pas la reconnaissance que je mérite. » » Florence, en poste depuis dix ans, confirme : « Ça devient grave. Les salariés sont démotivés. »
La dégradation de l’ambiance de travail se jauge à des petits riens. « À la cafétéria, la seule chose qu’on a en face de nous, c’est le cours de la Bourse sur des écrans, raconte Anthony, coordinateur syndical CFDT. On est dans un groupe qui n’a que le cours de Bourse comme objectif. »
Ce sentiment se ressent dans les différentes branches du groupe. Comme le confirme Stéphane, employé de Thales services numériques à Toulouse (Haute-Garonne), « il y a de plus en plus de salariés qui considèrent qu’ils peuvent se faire eux-mêmes leur carrière en quittant la société, parce qu’ils ne vont pas pouvoir y évoluer ».
Dans un communiqué, l’intersyndicale dénonce le deux poids, deux mesures. Avec d’un côté « la distribution d’actions gratuites pour les principaux dirigeants », qui permet à ces derniers d’empocher, une fois les titres revendus, « des sommes astronomiques ». De l’autre, des personnels dont le fruit du travail sert à rémunérer les actionnaires à hauteur de 1 100 euros par mois et par salarié, selon les calculs des syndicats pour 2024. « L’argent coule quasiment à flots dans Thales, dénonce Grégory Lewandowski. Donc là, il y a un ras-le-bol, un dégoût, de la colère. »
Cette colère a suscité de nombreux débrayages sur les autres sites. À Toulouse, 250 salariés ont mené un barrage filtrant devant un établissement, tandis que 450 autres ont manifesté devant un autre site. Des rassemblements de centaines de personnes ont aussi été enregistrés à Mérignac (Gironde), Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) ou Valence (Drôme)…
Au siège de Meudon, les coordinateurs syndicaux ont été reçus par les dirigeants. Une réunion infructueuse. Les élus du personnel se retrouveront lundi 27 janvier pour discuter des suites de la lutte.
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