Les soutiens du mur de l’argent ont flanché. Dans la nuit du jeudi 20 février, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi (PPL) instaurant une « taxe Zucman », du nom de l’économiste français ayant popularisé l’idée d’un impôt plancher sur le patrimoine des « ultrariches » pour lutter contre leurs pratiques d’évitement fiscal.
Présenté par le groupe écologiste et social dans sa « niche parlementaire », le texte est passé malgré l’abstention du RN. « L’immunité fiscale des milliardaires, c’est fini », s’est réjouie la députée Eva Sas, rapporteure de cette PPL qui doit encore franchir le cap d’un Sénat majoritairement de droite « probusiness » et « propossédants ».
« On ne gagne pas 100 millions d’euros de patrimoine avec son travail mais parce que d’autres travaillent pour vous ou parce que vous héritez », a justement fait remarquer Nicolas Sansu, député communiste. Ce nouveau prélèvement obligatoire n’instaure pas un grand soir fiscal, mais un impôt plancher sur les 0,01 % des contribuables les plus riches en France. De quoi assurer le reste des contribuables que les très fortunés n’échapperont plus au fisc et contribueront au moins à hauteur de 2 % de leur patrimoine. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Friand de données documentant l’accaparement des richesses par quelques-uns, le mouvement #TaxTheSuperRich a calculé que le patrimoine des milliardaires dans le monde avait « augmenté de 314 milliards de dollars au cours du premier mois de l’année, soit environ 10 milliards de dollars par jour. C’est plus que la richesse combinée des 2,8 milliards de personnes qui constituent le tiers le plus pauvre de l’humanité. »
La France ne fait pas exception, avec ses 10 % les plus fortunés détenant plus de la moitié des richesses nationales quand les 50 % les plus pauvres se partagent moins de 10 %, selon l’Insee. Pourtant décrié par la droite et le patronat comme le pays le plus « confiscatoire » du monde fiscalement, l’État se montre en réalité très laxiste vis-à-vis des Arnault, Wertheimer, Pinault ou Bettencourt Meyers. En compulsant les données de 2016, l’Institut des politiques publiques (IPP) l’a prouvé : « L’ensemble des impôts personnels reste progressif jusqu’à un niveau élevé de revenu (autour de 600 000 euros de revenu économique annuel, soit le top 0,1 %), mais il devient fortement régressif passé ce niveau, jusqu’à ne plus représenter que 2 % du revenu économique parmi les 378 ménages les plus aisés, contre 35 % environ à l’entrée du dernier centile de revenu économique (autour de 170 000 euros annuels) ».
À cela une raison majeure : plus on s’élève parmi les ultrapossédants, plus leurs revenus proviennent des bénéfices des sociétés qu’ils détiennent. Des bénéfices qu’ils ont tendance à ne pas empocher et à planquer dans des holdings, pour ne pas payer d’impôt dessus. Car à cette époque, entre d’un côté le taux à 59 % des impositions sur le revenu (IR) et sur le patrimoine personnels (l’ISF existait encore), de l’autre les 33,33 % d’imposition sur les sociétés (IS), il n’y avait pas photo. Et les gouvernements successifs n’ont pas lésiné sur les cadeaux : abattement de 75 % sur la donation de titres de société, pacte Dutreil exonérant la transmission d’entreprise de 75 % des droits de mutation… « Pour les 0,0002 % les plus riches, le taux effectif global d’imposition du revenu économique passerait de 26 % à 59 % si le barème des impôts personnels (IR + IS) leur était appliqué, et si ce changement n’entraînait aucune réponse comportementale de leur part », conclut la note de l’IPP.
Depuis 2016, la situation s’est aggravée tant les vannes ont été ouvertes en grand au profit des ultrariches. Sous Emmanuel Macron, la transformation de l’ISF en IFI (impôt sur la fortune immobilière) et la création du prélèvement forfaitaire (PFU, dit flat tax) sur les dividendes ont amoindri leur imposition. D’autant que dans le même temps, le taux d’impôt sur les sociétés est lui passé de 33 % à 25 %. Or, en parallèle, les dépenses publiques se sont mises au service du capital. Un haut fonctionnaire de Bercy auditionné récemment par une commission sénatoriale estimait aux alentours de « 200 milliards » les aides publiques directes et indirectes versées aux entreprises l’an dernier. On comprend mieux pourquoi les actionnaires du CAC 40 ont pu toucher 98,2 milliards d’euros en dividendes et rachat d’actions en 2024, et plus de 100 milliards en 2023.
L’impôt plancher voté à l’Assemblée a pour vocation de mettre en échec les « schémas d’optimisation fiscale mis en place par les plus riches », décrit Eva Sas. Cette contribution, qui concernerait environ 1 800 ultrariches, ferait entrer dans les caisses de l’État entre 15 et 25 milliards d’euros. Et il y a encore de la marge…
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