Par Maryse Dumas, syndicaliste
Dans quelques semaines sera révisé le contrat par lequel l’État confie à La Poste quatre missions de service public : le service universel postal, la contribution de La Poste à l’aménagement du territoire, le transport et l’acheminement de la presse et l’accessibilité bancaire. Des enjeux considérables pour toute la population ! De plus, du 9 au 14 octobre, se tiendront les élections du CSE de La Poste (comité social et économique). Elles concernent 165 000 salarié·es appelé·es à élire leurs représentant·es syndicaux dans cette instance. Elles auront aussi pour effet de mesurer la représentativité de chaque organisation syndicale à La Poste (et par addition au plan interprofessionnel) et de participer à la construction d’un rapport de force nouveau sur les revendications et sur le service public. Ce dernier aspect était aussi l’un des enjeux, il y a cinquante ans, presque jour pour jour, de la grève massive des PTT qui dura quarante-cinq jours ! Elle fut la plus forte et la plus longue grève de la profession, qui en avait déjà connu beaucoup, dans une histoire elle-même très longue de La Poste puisqu’elle remonte à Louis XI. En mars 1974, les élections professionnelles se concluent sur un progrès de la CGT. En mai, Giscard d’Estaing est élu d’un cheveu face au candidat unique de la gauche, François Mitterrand. En juin, le ministre des PTT, Pierre Lelong, se prononce pour séparer la poste des télécommunications, à l’époque complémentaires dans l’administration d’État, et pour modifier leur statut. Le 16 octobre, le Conseil des ministres arrête plusieurs décisions qui préfigurent le démantèlement. Le feu prend d’autant plus vite que la syndicalisation est forte et que, la CGT et la CFDT sont déjà engagées au plan interprofessionnel, et dans la fonction publique, dans des mobilisations unitaires importantes. La grève des PTT commence le 17 octobre et se termine progressivement entre le 28 novembre et le 2 décembre. Avec le même mépris à l’égard de « ceux qui ne sont rien » que l’actuel président de la République, le ministre Lelong aggrave les tensions en qualifiant le métier de postier « d’un des plus idiots qui soit », et comme si cela ne suffisait pas il ajoute : « Si des personnels sont surexploités, d’autres se la coulent douce. » L’effet produit est à l’inverse de celui escompté. La profession se lève en masse, dans l’unité, avec des décisions démocratiques d’actions prises chaque jour dans chaque établissement. Les revendications principales sont les salaires et les emplois, mais aussi la défense du service public. Du fait de la grève, la vie économique et sociale du pays, à l’époque très dépendante du courrier, est plus que perturbée. Les pressions sont fortes sur le personnel mais il tient bon. Il obtient une moisson de succès de tous ordres. Le statut d’administration sous monopole public est maintenu et le développement du téléphone assuré dans le cadre du service public. La grève produira des effets positifs durables sur le rapport de force interne. Mais le capital ne renonce jamais ! Après plusieurs échecs, il obtiendra la fin du statut d’administration, en 1991, sous le gouvernement Rocard, au travers de la loi Quilès. Les régressions du service public ne cesseront plus. Mais, aujourd’hui de nouvelles exigences se font jour. Elles doivent guider la construction de propositions et de luttes convergentes entre usagers et personnel de La Poste. Ni les luttes ni le service public n’ont dit leur dernier mot !