Après la mort tragique de l’ancien président Ebrahim Raisi dans un accident d’hélicoptère à la mi-mai, l’Iran a organisé des élections anticipées qui ont abouti à la victoire de Masoud Pezeshkian. Le président élu a depuis publié dans le Tehran Times une vision de politique étrangère intitulée « Mon message au nouveau monde », qui a été qualifiée de rafraîchissante en raison de son écart par rapport à la pensée à somme nulle qui domine souvent le discours sur les relations internationales.
Briser la vision binaire du monde
La vision de Pezeshkian remet en cause le discours dominant dans les médias grand public (MSM) et dans la communauté des médias alternatifs (AMC) qui divise le monde en deux camps : l’Occident, dirigé par les États-Unis, et le monde non occidental, avec la Chine à la tête. Cette vision binaire du monde donne souvent lieu à des critiques lorsque les pays s’engagent dans des efforts diplomatiques pour surmonter cette division perçue. On peut citer comme exemples la réaction négative à laquelle a été confronté le Premier ministre hongrois Viktor Orban pour sa visite à Moscou et la réaction à la visite du Premier ministre indien Narendra Modi à Washington.
La nouvelle position diplomatique de l’Iran
L’Iran est traditionnellement perçu comme un pays fermement ancré dans le camp non occidental, notamment en raison de son rôle dans la transition mondiale vers la multipolarité et des tensions qui en résultent avec les pays occidentaux. L’article de Pezeshkian contredit toutefois cette perception. Il exprime sa volonté d’améliorer les relations avec les adversaires de l’Iran, à condition que ce dernier soit traité avec respect et que sa dignité soit préservée.
Les points clés de la vision de la politique étrangère de Pezeshkian comprennent :
Saluant les efforts sincères visant à réduire les tensions, avec la promesse d’une bonne foi réciproque. Donner la priorité à l’amélioration des relations au sein de la région d’origine de l’Iran. Élargir les liens avec des pays comme la Turquie, l’Arabie saoudite, Oman, l’Irak, Bahreïn, le Qatar, le Koweït et les Émirats arabes unis. Renforcer les relations avec la Russie et la Chine. Explorer les possibilités d’amélioration des relations avec les pays occidentaux.
L’objectif principal de cette approche est de créer des conditions internationales stables propices à la paix et au développement.
Comprendre le paysage politique iranien
Pour comprendre l’importance de la vision de Pezeshkian, il est essentiel de comprendre la dynamique politique interne de l’Iran :
Pezeshkian est associé à l’école des « réformistes », qui prône des changements progressifs dans la politique iranienne, tant au niveau national qu’international. Les « principalistes », leurs homologues politiques, sont plus prudents quant aux réformes, craignant une corruption potentielle des valeurs du pays ou une vulnérabilité aux influences étrangères. Le système politique iranien d’après 1979 est conçu avec de nombreux freins et contrepoids pour empêcher des changements radicaux de politique. Le Guide suprême, soutenu par des institutions comme le Corps des gardiens de la révolution islamique (IRGC), sert de garde-fou contre des politiques qui pourraient compromettre les intérêts fondamentaux de l’Iran.
Dissiper les idées fausses
L’article souligne que l’intérêt de Pezeshkian pour un rapprochement avec l’Occident ne doit pas être interprété comme une trahison de l’engagement de l’Iran en faveur d’un ordre mondial multipolaire. Il établit des parallèles avec l’interdépendance économique complexe de la Chine avec les pays occidentaux et la stratégie multi-alignement de l’Inde, suggérant que l’Iran pourrait adopter une approche tout aussi pragmatique.
Le contexte mondial
L’article souligne que le maintien de liens étroits avec des pays occidentaux et non occidentaux est plus courant parmi les pays non occidentaux. L’Iran, la Russie et la Corée du Nord font exception, principalement en raison des sanctions occidentales, et non de leur propre choix.
Tout en reconnaissant les risques potentiels d’un engagement économique avec l’Occident, comme la création de dépendances disproportionnées, l’article suggère qu’un leadership prudent peut atténuer ces risques.
Des attentes réalistes
Malgré l’ouverture de Pezeshkian à une amélioration des relations avec l’Occident, l’article tempère les attentes, suggérant qu’une réciprocité occidentale est peu probable. Il note que si de nombreux pays non occidentaux pratiquent l’autonomie stratégique dans leurs relations extérieures, la politique occidentale adhère souvent plus strictement à une logique à somme nulle.
L’importance de l’élection de Pezeshkian
Le choix du peuple iranien pour Pezeshkian reflète une volonté de réforme progressive de la politique intérieure et extérieure. L’article souligne cependant que le système de freins et contrepoids en place en Iran empêchera tout changement radical.
Résultats potentiels
Deux scénarios sont présentés :
Si l’Occident rejette la proposition de Pezeshkian (ce qui est plus probable), l’Iran poursuivra probablement sa politique étrangère actuelle. Si certains pays occidentaux réagissent positivement, cela pourrait conduire à une augmentation des échanges bilatéraux et à une réduction des tensions, mais des changements radicaux sont peu probables.
Conclusion
La vision de la politique étrangère de Pezeshkian reflète une approche nuancée des relations internationales. Elle cherche à équilibrer les intérêts de l’Iran dans un monde multipolaire tout en restant ouvert au dialogue avec ses adversaires traditionnels. Cette approche démontre un engagement en faveur de la promotion de la paix et de la stabilité, même face à des défis importants.
Pezeshkian poursuit cette voie, malgré les obstacles qui pèsent sur un rapprochement réussi avec l’Occident. Cela montre que, quelle que soit l’issue, cette vision représente une évolution importante dans l’approche de l’Iran en matière de diplomatie internationale.