Voilà un examen de motion de censure qui tombe à pic. Alors que l’agence financière S & P (ex Standard and Poors) a annoncé ce vendredi soir la dégradation de la note sur les marchés boursiers de la France, reléguée du troisième cran « AA » au quatrième « AA- », faisant ainsi pression sur Paris pour tailler dans ses dépenses publiques afin de limiter sa dette, l’Assemblée nationale devrait examiner ce lundi en début d’après-midi une motion de censure cosignée par les Insoumis, les communistes et les écologistes, à laquelle devraient s’ajouter les votes des socialistes.
Les 106 signataires de gauche mettent en cause les 20 milliards d’euros d’économies déjà décidées pour 2024 en toute opacité, le gouvernement ayant choisi de passer par décret et par un « surgel des dépenses », non par une loi de finances rectificative débattue au Parlement. « Les coupes budgétaires inédites de ce gouvernement sont un choix politique : elles ciblent les dépenses d’avenir et sacrifient la jeunesse de ce pays », déplorent-ils, dénonçant « l’exercice autoritaire du pouvoir » d’Emmanuel Macron et de son exécutif.
« Pas d ‘impact sur le quotidien des Français »
Dès samedi matin, Bruno le Maire a tenté de parer à l’appréciation dégradée de S & P quant à la capacité de la France à payer ses dettes contractées auprès des marchés financiers. « Il n’y aura pas d’impact sur le quotidien des Français », a-t-il martelé dans un entretien « déminage » au Parisien. « Nous restons à un niveau de notation très bon. C’est comme si nous étions passés de 18 à 17 sur 20 ! (…) La France garde une signature de haute qualité, une des meilleures au monde. », ajoute-t-il.
Cette note aura pourtant bel et bien des répercussions sur le quotidien des Français, puisque le ministre de l’économie réitère sa « détermination à rétablir les finances publiques ». Or, le programme de stabilité 2024-2027, transmis par Bercy en avril à la Commission européenne, fixe une rigoureuse cure d’austérité dans les dépenses publiques en ciblant un retour du déficit public, actuellement de 5,5 %, sous les 3 % d’ici trois ans. Soit la perte de 0,2 point de croissance du PB dès 2024 et -0,6 en 2025. Un effort « jamais réalisé par le passé », aux dires de Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes et du Haut conseil des finances publiques.
Les premières coupes de 10 milliards d’euros (l’équivalent du budget du ministère de la Justice) décidées en février, ont déjà produit des effets concrets : franchise médicale à 1 euro (contre 50 centimes aujourd’hui) sur les médicaments et à 4 euros (au lieu de 2) pour les transports sanitaires ; reste à charge de 100 euros pour une formation prise dans le cadre du Compte personnel de formation. Quant à la baisse des aides à la rénovation des bâtiments ou aux coupes imposées aux budgets des ministères (-690 millions pour l’Éducation par exemple) et aux collectivités locales, c’est autant de sous-investissements et d’accès dégradé aux services publics.
La Sécu dans le viseur
Les appétits pour de nouvelles économies ne manquent pas. Gabriel Attal a déjà annoncé que la prochaine réforme de l’Assurance chômage prendrait 3,6 milliards d’euros en année pleine dans les poches des chômeurs. Bercy prévoit au moins 20 milliards de coupes dans le prochain projet de finances 2025, avec la possibilité de les faire adopter par 49.3. Quant à la Cour des comptes qui juge « hors de contrôle » les dépenses de la Sécurité sociale (déficit revu à la hausse à 10,8 milliards d’euros pour 2023 et à 16,6 milliards pour 2024), elle propose de s’attaquer au quotidien des Français.
Les arrêts maladies sont dans son viseur : non-indemnisation des arrêts de moins de 8 jours (-470 millions d’euros), augmentation à 7 jours du délai de carence (-950 millions), réduction à deux ans (contre trois aujourd’hui) de la durée maximale d’indemnisation (-750 millions)… Les compléments de salaire donnant lieu à des exonérations de cotisations sociales sont aussi pointés : la prise en charge par l’employeur d’une partie des cotisations liées aux complémentaires santé, prévoyance et retraite supplémentaire, des titres-restaurants ; la fin des exonérations de la prime de partage de la valeur (prime Macron) comme de l’intéressement ou de la participation, autant de vecteurs utilisés par Emmanuel Macron pour diminuer le « coût du travail » en neutralisant les augmentations de salaires.
Ce samedi, après la publication de la nouvelle note de S & P, les Républicains et l’extrême-droite (le RN a aussi déposé une motion de censure) faisaient feu de tout bois pour étriller la mauvaise gestion de Bercy et proposer des économies sur les budgets publics. Pour le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Eric Coquerel (LFI), cosignataire de la motion de censure déposée par la gauche, « il ne fait aucun doute que le gouvernement va se servir de cette décision pour justifier de nouvelles coupes budgétaires. Les seuls résultats à attendre seront la dégradation de nos services publics et la réduction de nos moyens pour répondre aux urgences climatiques et sociales ». De son côté, le candidat PCF aux élections européennes Léon Deffontaines appelait vendredi soir à remettre « en cause les règles austéritaires » pour « redévelopper de grands services publics ».