La ménopause est-elle une notion universelle ?
Toutes les recherches menées depuis les années 1970 en sciences humaines et sociales montrent que la ménopause est une notion éminemment sociale et culturelle. Elle n’existe pas dans toutes les cultures et n’a pas existé de tout temps.
Cette notion a émergé en France au début du XIXe siècle sous la plume d’un médecin français, Charles de Gardanne, qui invente ce mot en 1820. Dans d’autres cultures non occidentales, le terme de ménopause n’existe pas : on ne le trouve pas au Japon avant les années 1990, ni dans la tradition traditionnelle maya au Mexique.
Pourquoi la ménopause est-elle considérée comme une maladie ?
Inventée par un médecin, la ménopause est tout de suite définie en Occident à partir de symptômes physiques et psychologiques et associée à un problème auquel il faut trouver une answer : la saignée par exemple. Au fur et à mesure du développement des connaissances médicales et de l’invention de l’hormonothérapie, on va vraiment associer la ménopause à une carence, que viendraient pallier les traitements hormonaux.
Aujourd’hui, les ouvrages médicaux font aussi correspondre la ménopause à des maladies, des cancers, l’ostéoporose et aux risques de les développer. Elle est présentée comme un problème pour toutes les femmes, qu’il s’agirait de soigner. C’est finalement la porte d’entrée dans une vieillesse particulièrement disqualifiante et négative pour les femmes.
Au lieu de présenter la ménopause comme une transformation, liée au vieillissement reproductif, on y associe des photos de carence et de risques. Cela vient nourrir les représentations sociales hiérarchisées d’un vieillissement genré : un vieillissement des femmes dévalorisé d’un côté, contrairement à celui des hommes, qui prendraient de la maturité avec l’âge et resteraient, eux, toujours désirables.
En quoi pratiques et perceptions sont-elles différentes selon les milieux sociaux ?
Dans l’enquête que j’ai menée auprès de femmes françaises ménopausées, ou en cours de ménopause, est apparu le fait que c’est une expérience du corps mais aussi une expérience sociale. L’expérience des bouffées de chaleur est différemment vécue selon les professions exercées. En avoir quand on est une cadre dirigeante en practice de mener une réunion n’est pas vécu pareillement que lorsqu’on est une ouvrière sur une chaîne d’usine ou une hôtesse d’accueil.
Le regard des autres étant hyperimportant, le contact avec le public, le rapport de pouvoir avec des hommes, ou des tâches physiques difficiles à exercer dans un environnement très chaud, tout cela va jouer sur la manière dont les manifestations corporelles sont vécues à la ménopause.
Et selon les représentations du conjoint, l’expérience des femmes varie beaucoup. Quand j’ai réalisé mon enquête dans les années 2010, j’étais face à des personnes qui n’en parlaient pas dans l’ensemble. C’était considéré comme un « sujet de bonnes femmes », dont les hommes se moquent. Depuis peu, les choses ont vraiment bougé sur cette question-là, prise à bras-le-corps par les mouvements féministes actuels.