C’est l’une des premières urgences du Nouveau Front populaire (NFP), le principe phare de son programme de rupture. Dans les quinze jours qui suivront sa victoire aux législatives, la gauche unie entend redonner du pouvoir d’achat aux citoyens. « Dès notre arrivée au pouvoir, nous déciderons le blocage de prix sur l’alimentation et l’énergie », a confirmé Manuel Bompard, coordinateur de la France insoumise, vendredi, lors de la conférence de presse de présentation. Les prix des carburants seraient eux aussi bloqués par décret. En somme, contrer l’inflation est une priorité, alors que, sous l’effet combiné de la guerre en Ukraine et de la crise de l’énergie, elle a bondi durant le second quinquennat Macron, atteignant 6,3 % en 2023.
Mesurettes distribuées
Si Renaissance distille bien quelques mesurettes censées améliorer la vie des Français en vue des législatives (voir page 14), la Macronie s’est toujours refusée à opter pour le blocage des prix, alors même que l’efficacité à court terme de la mesure n’est plus à démontrer. Emmanuel Macron n’avait d’ailleurs pas hésité à y recourir pour les masques et les gels hydroalcooliques lors de la crise du Covid. Dans les cent premiers jours, le NFP propose également d’abolir la taxe Macron de 10 % sur les factures d’énergie (suspendue pendant deux ans avant d’être rétablie), d’annuler la hausse programmée du gaz au 1er juillet et d’instaurer la gratuité des premiers kilowattheures.
Comme le résume Fabien Roussel, secrétaire national du PCF : « C’est un projet pour vous protéger. (…) Nous porterons aussi le Smic à 1 600 euros net, soit 2 000 euros brut. Les cotisations financeront la protection sociale. Nous indexerons les salaires sur l’inflation. Nous augmenterons de 10 % le point d’indice des fonctionnaires. » Alors que, entre 2021 et 2023, le nombre de personnes rémunérées au salaire minimum a flambé de 50 %, en décembre 2023, un groupe d’experts avait pourtant refusé de se prononcer en faveur de l’augmentation du Smic au 1er janvier, préconisant de s’en tenir à la hausse automatique de 1,7 %. Durant les deux derniers quinquennats, les efforts sur les rémunérations se sont ainsi limités à l’octroi des fameuses primes pour le pouvoir d’achat (prime Macron), exceptionnelles et défiscalisées pour les employeurs, ainsi qu’à des coups de pouce épisodiques malgré les nombreuses luttes pour exiger des revalorisations pérennes de salaires. Résultat : entre 2009 et 2023, les revenus du travail n’ont pas enrichi les Français, selon l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques).
Près de 20% des travailleurs sous les 1 500 euros net mensuels
Aujourd’hui, 19,5 % des travailleurs touchent moins de 1 500 euros net mensuels, selon l’Insee. Alors, samedi, dans le cortège anti-Rassemblement national parisien, certains manifestants se réjouissaient de voir reprise la mesure de l’indexation des salaires sur l’inflation, exigée depuis longtemps par la CGT, FO, le PCF et la FI. Conseiller à France Travail à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et élu CGT, Guy déplore un niveau de salaire « au ras des pâquerettes, alors que nous avons de plus en plus de chômeurs à suivre » et confie : « Je me reconnais donc beaucoup dans ces propositions. »
Autres mesures censées entrer en application immédiatement en cas de majorité du Nouveau Front populaire : l’augmentation du minimum contributif au niveau du Smic et celle du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté, qui devrait permettre de desserrer l’étau pour les aînés. Car, si le président de la République avait promis une retraite minimale à 1 200 euros pour faire passer la pilule de sa contre-réforme de 2023, la situation des pensionnés n’a cessé de se dégrader.
« Pour me divertir, je mise avant tout sur les activités gratuites. »
Avec un revenu à peine au Smic, Anne-Marie, 66 ans, retraitée dans le secteur de la culture en Seine-Saint-Denis et arborant fièrement un autocollant « Front populaire, utopiste débout », boucle tout juste ses fins de mois. « J’aimerais bien aider financièrement mes enfants, mais là, c’est impossible. Pour me divertir, je mise avant tout sur les activités gratuites. » Dans le secteur agricole, mobilisé des semaines en début d’année, la garantie d’un prix plancher et rémunérateur – revendication historique de la Confédération paysanne, désormais inscrite dans le programme du NFP – devrait, là aussi, permettre un gain certain de pouvoir d’achat.
Selon le baromètre Ipsos/le Secours populaire français, publié en août 2023, il est plus que temps d’agir. Près d’un Français sondé sur cinq (18 %) vit à découvert, une hausse de 3 points par rapport à l’année passée. Un tiers des ouvriers (31 %) et un quart des employés (25 %) sont confrontés à cette situation. Un Français sur deux s’est retrouvé dans l’incapacité absolue ou partielle de payer des frais médicaux.
« Il faut que tout le monde puisse vivre dignement. C’est ça, contribuer à l’effort de société. »
D’autres propositions, comme l’abolition des réformes successives de l’assurance-chômage, qui a fait baisser la durée et le montant des indemnisations des privés d’emploi, ou une allocation adulte handicapée (AAH) portée au niveau du Smic, devraient également contribuer à amorcer une sortie de la précarité. Seul bémol, la hausse du RSA (autour de 600 euros pour une personne seule) n’est pas explicitement mentionnée par le Nouveau Front populaire.
« Nous ferons en sorte de financer ce projet ambitieux en prenant dans la poche de ceux qui en ont les moyens. Le président de la République avait appelé à un “réarmement civique”. Nous y appelons aussi ! » exhorte Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, concernant ce volet budgétaire qui a suscité les critiques du camp patronal et des libéraux. Une ambition partagée par Patrice, 56 ans, designer dans le milieu du luxe, brandissant dans la manifestation de samedi une pancarte « Jordan (Bardella), just don’t do it » (ne le fait pas). « Je suis prêt à payer plus d’impôts pour aider les personnes modestes. Je suis pour le rétablissement de l’impôt sur la fortune. Il faut que tout le monde puisse vivre dignement. C’est ça, contribuer à l’effort de société. » Face à l’imposture sociale promise par le RN et aux attaques tous azimuts des macronistes, Fabien Roussel prévient : « Il n’y aura pas de transformation sans la mobilisation du peuple tout entier, des syndicats et des forces associative. »