« Selon une jurisprudence ancienne mais constante, les époux sont tenus à un « devoir conjugal » – c’est-à-dire à une obligation d’entretenir des relations sexuelles – dont l’inexécution peut justifier le divorce ». Voilà ce qu’on peut lire dans l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme, le 23 janvier dernier, après qu’elle ait été saisie par H. W., initiales de la plaignante qui a fait condamner l’État français. La possibilité qu’une femme puisse encore être condamnée pour manquement au devoir conjugal est une « aberration » pour Sarah Legrain. La députée insoumise vient de déposer une proposition de loi visant à modifier l’article 215 du Code civil pour rendre impossible cette situation. Une façon d’intégrer juridiquement, au sein du couple, la notion de consentement.
Si, comme l’explique l’avocate féministe et chroniqueuse de l’Humanité, Violaine de Filippis, le devoir conjugal n’est pas dans la loi à proprement parler, il est pourtant possible de faire une interprétation jurisprudentielle des obligations légales du mariage. D’où le fait que H. W. s’est retrouvée jugée exclusivement fautive de son divorce, qu’elle avait elle-même demandé, pour cause de manquement au devoir conjugal.
« Se débarrasser de cet archaïsme qui encourage le viol conjugal »
Le Code civil oblige un couple marié à avoir une « communauté de vie ». La proposition de loi de Sarah Legrain vise à ajouter la phrase suivante : « Cette communauté de vie ne saurait être interprétée comme une obligation d’avoir des relations sexuelles. »
« La proposition de loi qui consiste à préciser que la communauté de vie des époux ne peut être interprétée comme une obligation d’avoir des relations sexuelles, paraît être utile dans la mesure où elle devrait permettre de mettre un terme à une jurisprudence qui consistait à admettre le divorce aux torts exclusifs de l’épouse qui refusait de coucher avec son mari », précise Violaine De Filippis-Abate, par ailleurs cofondatrice de l’association Action Juridique Féministe.
« Je veux qu’on se débarrasse de cet archaïsme qui encourage le viol conjugal », justifie Sarah Legrain. Reconnu par la loi seulement depuis 2006, le viol au sein du couple représente la moitié des viols, comme le rappelle le Collectif féministe contre le viol (ex-collectif français contre le viol conjugal) dans les colonnes de nos confrères de Libération.
Pour qu’il soit examiné, le projet de loi doit être signé par au moins dix députés siégeant dans la majorité afin de créer un texte transpartisan. L’insoumise se dit même prête à travailler avec le gouvernement, qu’elle encourage à se saisir de l’idée. Sarah Legrain a rédigé son texte de façon consensuelle, avec un article unique afin d’éviter toute instrumentalisation. Elle pense que « tout le monde » peut être « d’accord sur le fait que le mariage ne vaut pas consentement ».
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