Comment résumeriez-vous la situation à l’égard de la répartition du patrimoine en France ?
Depuis vingt ans, on assiste à l’augmentation du patrimoine, essentiellement celui des 10 % les plus riches. C’est surtout significatif pour les 0,01 %. Ces trois dernières années, les milliardaires ont vu leur patrimoine doubler.
Pour les ultra-riches, un phénomène de boule de neige s’est mis en place. Et dans cette concentration des richesses, l’héritage joue un rôle de plus en plus important. Dans les années 1970, il ne comptait que pour un tiers dans la constitution des patrimoines, le reste était constitué des revenus du travail et des placements. Aujourd’hui, il compte pour 60 %. Nous sommes dans une société de rentiers et non plus de réussite au travail.
Quelles sont les conséquences politiques ?
Cela perturbe tout notre édifice. Les gagnants sont des feignants qui n’ont pas besoin de travailler pour nourrir leur famille, et cela sur plusieurs générations. Cela fait une élite complètement coupée des réalités. Et, depuis 2017, Emmanuel Macron a accéléré cette tendance, avec les choix qui ont été faits sur l’impôt sur la fortune et sur la flat tax.
C’est une sécession des riches à laquelle on assiste et elle met en péril le consentement à l’impôt. Les gens ont l’impression de payer des impôts, et il y en a qui en paient beaucoup, via la TVA et toutes les taxes non progressives, alors qu’à côté la France est un paradis fiscal pour les plus riches. C’est pour cela que j’ai déposé deux propositions de loi, une au niveau européen et une au niveau national, pour mieux taxer le patrimoine des plus riches.
Comment expliquer la difficulté à sensibiliser les Français sur ce sujet ?
D’abord, l’héritage n’est pas qu’une question de richesse. C’est aussi une question intime et familiale. Mais ce qui est incroyable, c’est que 84 % des Français pensent qu’on paye trop de droits de succession alors qu’ils n’en payent aucun. Aujourd’hui, plus des deux tiers des successions sont totalement exonérées, parce qu’elles sont inférieures à l’abattement.
Même quand il y a des droits, dans 93 % des cas, ils sont minimes. Mais on explique aux gens que ces droits, qui concernent en réalité les plus riches, sont monstrueux. C’est un peu comme quand Arnaud Rousseau, le patron de la FNSEA et président du groupe Avril, à la tête de 9 milliards d’euros, se permet de parler pour les petits paysans, ou quand un gros patron du Medef parle pour les PME.
Est-il important que la gauche mène une bataille culturelle sur ce thème ?
Je pense que la bataille ne doit pas être menée sur la taxation des héritages, mais plus globalement autour de quelle société on veut : une société d’héritiers ? Ou une société beaucoup plus égalitaire, axée sur les revenus du travail ? C’est la question fondamentale. Si on ne s’attaque pas à la taxation du patrimoine, il n’y aura jamais assez de ressources pour financer la transition écologique, les services publics nécessaires pour remettre de l’égalité. Il faut montrer que nos règles font que la richesse s’accumule par la rente, non pas par le travail et l’investissement productif.
Avant de partir, une dernière chose…
Contrairement à 90 % des médias français aujourd’hui, l’Humanité ne dépend ni de grands groupes ni de milliardaires. Cela signifie que :
nous vous apportons des informations impartiales, sans compromis. Mais aussi que
nous n’avons pas les moyens financiers dont bénéficient les autres médias.
L’information indépendante et de qualité a un coût. Payez-le.Je veux en savoir plus