À l’orée du bois de Vincennes, en face de l’obélisque qui surplombe le zoo, gît une bâtisse composée de plusieurs maisonnettes. Depuis 1987, l’École de chiens guides de Paris pour aveugles et malvoyants occupe les lieux. Plusieurs labradors gambadent dans le jardin. Certains, comme Topaze, font des exercices avec leur moniteur.
D’autres ont quartier libre, à l’instar de Twinnie. À bientôt 2 ans, cette chienne labrador noire est en formation depuis huit mois aux côtés de Kathleen Ronne. « Je suis monitrice de chiens guides d’aveugles et non éducatrice », précise tout de go la jeune femme de 34 ans.
« C’est important de bien distinguer les deux métiers, car ils ont un niveau de diplôme différent. La formation de moniteur s’effectue en deux ans et se concentre sur l’éducation du chien guide et sur l’accompagnement des familles d’accueil. Pour être éducateur, la formation se poursuit deux ans de plus et est davantage orientée sur la déficience visuelle », ajoute-t-elle d’une voix douce, couvant des yeux Twinnie qui s’amuse à mordiller un plaid.
Former des chiens est un sport de combat
« Twinnie, couche-toi », lui intime-t-elle calmement. L’animal s’exécute. Arrivée à l’école en 2017 en tant que monitrice, Kathleen connaît parfaitement les rouages du dressage canin. En plus de cette femelle, elle s’occupe également au quotidien de deux autres chiens, Till et Trust.
« Ils entrent en éducation à partir de l’âge d’un an. Avant cela, ils sont en famille d’accueil. En fonction de leur évolution, ils restent avec moi entre six et huit mois, en comptant la remise auprès d’une personne déficiente visuelle, détaille-t-elle. Twinnie, par exemple, est en fin de parcours. Elle en est au stade des essais. Hier, elle a rencontré une dame avec qui cela n’a pas ”matché“. Jeudi, elle rencontrera deux nouvelles personnes. »
La formation des chiens est un sport de combat. Kathleen en sait quelque chose. Vêtue d’une polaire et d’un pantalon de randonnée, elle avale, chaque jour, des dizaines de kilomètres. « C’est un métier très physique. En journée, je fais facilement plus de 15 kilomètres. Il faut pouvoir tenir sur la durée. Les trois quarts du temps, je suis à l’extérieur. L’objectif, c’est d’habituer les chiens à travailler dans n’importe quelle circonstance, y compris météo. »
Ce métier, Kathleen l’a ardemment désiré, après un parcours atypique. Son bac en poche, la jeune femme, passionnée depuis toujours par les animaux, se dirige d’abord vers un BEP spécialisé en élevage canin. « Mais à la fin de la formation, je me suis dit que je n’allais peut-être pas réussir à trouver un poste. J’ai préféré m’orienter ailleurs. »
Par pragmatisme, elle devient donc aide-soignante en réanimation dans un hôpital de région parisienne. Elle y restera huit ans. Mais la passion pour les chiens est toujours là. « Quand je me suis sentie prête, j’ai postulé et j’ai été embauchée. Quand je l’ai su, j’ai éclaté en sanglots. J’étais tellement heureuse », se souvient Kathleen, émue.
L’objectif : offrir autonomie et aisance à la personne déficiente visuelle
L’éducation des chiens exige rigueur et organisation. « Ils dorment à l’école. Je suis avec eux de 8 heures à 17 heures, du lundi au vendredi. Souvent, j’en fais travailler un, pendant que les deux autres attendent juste à côté. »
Chaque séance dure entre 20 et 40 minutes, avec des objectifs bien spécifiques. « Je vais les exercer à rechercher le métro, travailler sur leur comportement lorsqu’ils croisent des congénères. Il y a des codes. Lorsque le chien est vêtu du harnais, il est en mode travail. Donc, il ne peut pas renifler et doit être concentré sur le guidage. »
La tâche du chien guide est d’offrir « une autonomie et une aisance à la personne déficiente visuelle. Il faut que le trajet se fasse de façon sécuritaire, fluide, idéalement qu’il soit reposant pour la personne ». Kathleen s’arrête pensive, jette un regard à Twinnie, endormie à ses pieds.
La monitrice assure que si elle n’avait pas été aide-soignante, elle n’aurait « pas eu la même vision de la vie ». « Je me serais peut-être contentée de mon amour pour les chiens. Là, la finalité, c’est l’humain ! De voir que des personnes déficientes visuelles retrouvent une vie de sécurité et de liberté », estime-t-elle. Elle se souvient de la réaction de cette « dame adorable », après la remise de son premier chien formé par ses soins : « J’ai découvert que j’avais des collègues. »
« C’était ironique, évidemment. Le handicap des personnes déficientes visuelles fait souvent peur. Le fait d’avoir un chien casse cette appréhension. Cette dame a retrouvé une vie sociale au travail. J’ai eu des frissons lorsqu’elle m’en a parlé. Je me suis dit que j’avais réussi mon travail ! » confie Kathleen, des étoiles dans les yeux.
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