Universitaire auréolé d’un prix Nobel et auteur d’ouvrages à succès, ancien économiste de la Banque mondiale aujourd’hui adulé par une partie de la gauche, Joseph Stiglitz est une voix qui compte dans le débat d’idées. À 81 ans, il poursuit sa guerre inlassable contre les néolibéraux, qu’il accuse d’avoir réalisé une OPA conceptuelle sur la notion de liberté1 (1). Même si on est en droit de ne pas partager son optimisme quant à la possibilité d’un capitalisme « progressiste » ou de questionner son plaidoyer en faveur de multinationales « vertueuses », on peut difficilement balayer d’un revers de main sa critique implacable des adorateurs du marché.
Votre livre a été écrit avant l’élection américaine. Quel était votre état d’esprit à ce moment-là ?
J’espérais que Kamala Harris l’emporte. Mais j’étais aussi très inquiet. L’une des raisons pour lesquelles j’ai écrit ce livre, c’est parce que je voulais proposer un ensemble d’arguments qui pourraient être utiles pour cadrer certains débats à venir lors de la campagne électorale. Une idée majeure du livre est que la droite a capturé l’idée de liberté, pour son propre bénéfice. L’une des organisations la plus à l’extrême droite du parti Républicain se nomme même le Freedom caucus ! Or, ces gens ne comprennent pas ce qu’est la liberté.
Que voulez-vous dire ?
On le voit dans le système de santé aux États-Unis : vous êtes libre de mourir faute de soins, et les compagnies d’assurances sont libres de profiter de vous. Et le résultat, ce sont des dépenses de santé qui atteignent 20 % du PIB aux États-Unis, presque deux fois plus qu’en France, avec une population en bien plus mauvaise santé. Le programme des démocrates est de permettre au plus grand nombre possible de gens de vivre aussi librement que possible, d’exprimer aussi pleinement que possible leurs potentialités. La liberté de la droite, c’est la liberté du loup de manger des moutons. Mais leur politique n’accroît pas la liberté sociétale.
Pensez-vous être parvenu à diffuser vos idées ?
Non. Je pense avoir échoué, car