EXCLUSIF. Didier Codorniou, Premier vice-président de la région et maire de Gruissan, reprend son bâton de pèlerin maritime après son échec à la présidence de la fédération de rugby. Il a mené la délégation du parlement de la mer dont il est le président, aux assises de l’économie de la mer à Bordeaux les 19 et 20 novembre, pour défendre les enjeux de la croissance bleue en Occitanie qu’il décrit pour Midi Libre.
Vous avez été battu voilà un mois dans la finale qui vous opposait à Florian Grill pour devenir président de la Fédération française de rugby. La défaite est-elle digérée ?
Oui. En fait, je n’aurais pas dû mettre mes crampons moulés, mais les 18 mm, et j’ai mal mesuré la pelouse qui était boueuse (rires).
Sinon, c’était un pur bonheur de revenir dans l’environnement rugbystique, que j’avais délaissé, c’est aussi pour ça que la victoire était improbable. Mais ça m’a permis de découvrir l’effondrement du rugby amateur qui a perdu 800 clubs en 20 ans suite à l’avènement du rugby professionnel, ce qui m’a fait dire que la Ligue domine la fédération.
“Être attaqué, sali, ces moments ont été très douloureux”
Il n’y a qu’une chose que je n’ai pas apprécié : être attaqué et sali, ces moments ont été très douloureux pour mon éthique, ma personnalité, ma famille, sur des choses où il n’y a pas de sujet.
Vous évoquez la perquisition dans votre mairie de Gruissan, mi-septembre, et ces soupçons de prise illégale d’intérêt de l’office de tourisme pour l’attribution d’un marché public.
Depuis 25 ans que je suis maire de Gruissan, je n’ai jamais eu le moindre problème, j’attache beaucoup d’importance à l’exemplarité de la fonction, et mes directeurs et directrices de la Ville et de l’Office de tourisme, savent que je suis très exigeant sur les procédures. Il n’y a pas de dossier, j’ai une confiance totale en la justice et mes équipes.
Aujourd’hui, rendossez-vous à plein temps le costume de Premier vice-président de la Région ?
J’avais promis que même si je gagnais, je continuerais avec le parlement de la Mer. J’ai eu une discussion avec la présidente Carole Delga, j’étais prêt à laisser ma place de premier vice-président de la Région, mais elle ne voulait pas que je lâche et m’a demandé de rester à ses côtés.
Ce que je fais avec le plus grand plaisir. Il fallait que je me remette dans le bain le plus rapidement possible, dès le lendemain de ma défaite, notamment en charge de l’économie maritime auprès de la Présidente. Je ne suis ni touché, ni coulé, ni traumatisé.
Vous avez mené cette semaine la délégation du parlement de la mer aux assises de l’économie de la mer, à Bordeaux, où le sujet crucial de la pêche a été évoqué par Fabrice Loher, le nouveau ministre de la Mer. Qu’en retirez-vous ?
Je suis très heureux de retrouver et reprendre en main mes coéquipiers et coéquipières au parlement de la mer, avec des sujets majeurs, dont celui de la pêche. Après, mardi, dans son discours, le ministre n’a pas parlé de la Méditerranée (il a juste évoqué sa visite à Sète et au Grau-du-Roi le 15 novembre NDLR) et il a cité une seule fois le nautisme.
Je suis inquiet de la défense de la pêche traditionnelle en Méditerranée, s’il n’en parle pas…
De notre côté, nous continuons notre travail de lobbying. Il ne faut surtout pas que Bruxelles acte une diminution des jours de pêche ou un nouveau plan de sortie de bateaux, sinon le modèle économique va être en crise. Nous avons rencontré les pêcheurs, nous avions besoin de savoir ce qu’ils attendent de la collectivité, sachant que nous sommes aussi dans le “dur”.
C’est-à-dire ?
Dans le cadre du PLF (Plan de loi des finances), nous allons perdre 180 millions d’euros et la Présidente a engagé des rencontres avec tous les vice-présidents pour savoir comment amortir cette somme sur les investissements. Tous les secteurs sont touchés, on travaille pour savoir où l’on peut lâcher et avoir le moins d’impact, on parle de 3 à 5 millions.
L’économie “bleue”, c’est aussi l’arrivée des éoliennes en mer flottantes au large de l’Occitanie. Quel est l’enjeu ?
Les deux prototypes de deux fois trois éoliennes, assemblées à Port-la-Nouvelle, vont enfin être mis en service en mer, courant 2025. Quand je pense à ce que l’on avait annoncé et dix ans après, voilà : le port est presque fini, le tirant d’eau va pouvoir permettre de cheminer les gros flotteurs de 3 ou 4000 tonnes avec les éoliennes, mais aussi de produire de l’hydrogène, e toujours à Port-la-Nouvelle, et pouvoir la stocker.
“La Présidente a eu une vision stratégique sur la transition énergétique”
Sur tous ces dossiers, on pouvait dire : “est-ce qu’on les verra ?” Oui ! En 2025 et 2026. On parle ici aussi de travail : 3500 emplois vont émerger grâce à l’éolien et l’hydrogène, c’est un pari gagnant, la Présidente a eu une vision stratégique sur la transition énergétique dans une région qui souffrait du manque de positionnements innovants.
Aux assises de la mer, vous avez aussi continué à défendre le dossier “habitat flottant”, que vous avez développé à Gruissan. Mais l’État reste frileux sur le sujet.
Aux assises, j’ai rencontré la direction interrégionale de la Méditerranée et je vous l’annonce : une décision va être prise très prochainement sous la forme d’un décret d’expérimentation qui pourrait être mis en place fin 2025.
“L’habitat flottant montre qu’habiter sur le littoral est toujours possible”
Le retour d’expérience nous l’avons, via notre habitat flottant à Gruissan, unique en France, où les retours sont très positifs. Ce modèle économique résiliant montre qu’habiter sur le littoral est toujours possible, qu’il ne faut pas avoir peur.
Dans le cadre du plan d’adaptation des risques, il faudra que l’on s’habitue à vivre avec le problème de l’érosion, de la submersion marine et de la mer qui monte. Mais sans forcément de recul stratégique, notre littoral est trop urbanisé pour cela.
Le projet BarMar, pharaonique, prévoit de relier Barcelone à Marseille, par la mer, pour le transport d’hydrogène. Comment la Région peut-elle prendre sa part ?
Des études sont en cours, elles pourraient démontrer que notre intérêt c’est de se rapprocher des côtes, de ne pas aller vers les grandes profondeurs en termes de coûts.
“La Méditerranée est la grande oubliée du ministre”
On peut avoir une lecture positive d’un branchement avec Port-la-Nouvelle, et pourquoi pas envisager une connexion “terre” jusqu’à Barcelone. Le coût serait moins important, et on ne traverserait pas un parc marin avec ce qu’il peut représenter en termes d’écologie et de biodiversité.
Vous travaillez à l’idée d’un parlement de Méditerranée, de quelle manière ?
Avec l’Espagne, les Îles Baléares, nous avons déjà les réseaux et l’on regarde avec l’Algérie et le Maroc comment on peut aller plus loin ensemble. Nous allons prendre nos initiatives pour surprendre, proposer des solutions concrètes avec l’autre rive et créer ce parlement de la Méditerranée sans plus tarder. C’est notre objectif.
La Méditerranée est la grande oubliée du ministre, nous devons créer cette entité pour exister et nous faire entendre sur les deux rives et auprès de Bruxelles.
Vers une deuxième édition des assises nationales de la solidarité en 2025
Le 19 octobre, le parlement de la mer Occitanie et l’ONG Sos Méditerranée, qui porte secours aux réfugiés en mer, avec le soutien de la ville de Montpellier et le conseil départemental de l’Hérault, ont organisé les premières assises de la solidarité ralliant plus de 600 personnes.
Une deuxième édition est dans les tuyaux en 2025. Pour Didier Codorniou, les pistes envisagées serait « une ouverture avec d’autres solidarités » comme la SNSM ou une réflexion sur le bien-être des gens de mer.