L’avancée était très attendue, mais le contexte dans lequel celle-ci s’inscrit lui donne un relief nouveau : quelques jours après la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a annoncé, jeudi 7 mars, sur France 2 que les sages-femmes pourront pratiquer dès fin mars des IVG par voie instrumentale – au bloc opératoire, donc dans les établissements de santé. « On protège l’IVG dans la Constitution, et on permet aux femmes d’y avoir accès », a-t-elle justifié. Celles-ci pouvaient déjà le faire, mais seulement à titre expérimental, depuis novembre 2022.
Un premier décret était censé acter l’élargissement de leurs compétences, et ainsi améliorer l’accès à l’IVG partout sur le territoire. Mais ce texte gouvernemental, publié au Journal officiel en décembre 2023, avait suscité l’indignation des professionnels de santé et d’associations féministes.
Dans le détail, ce décret prévoyait la présence sur site de trois médecins – un praticien spécialisé, un gynécologue-obstétricien et un anesthésiste-réanimateur- pour effectuer des IVG instrumentales aux côtés d’une sage-femme. Un quatrième médecin « justifiant d’une formation et d’une expérience » devait également être présent en cas d’embolisation artérielle. Le ministère de la Santé de l’époque, Aurélien Rousseau, avait défendu dans Le Monde un « impératif de sécurité essentiel en cas d’incident nécessitant une intervention chirurgicale rapide. »
Des conditions très strictes freinant l’accès à l’avortement
Ces conditions très strictes nuisent à l’amélioration de l’accès à l’avortement, comme souhaité au départ, selon les organisations professionnelles de sages-femmes. Et des membres de l’Association nationale des centres d’interruption de grossesse et de contraception (Ancic) soulignaient, dans une tribune publiée dans Le Monde, que les médecins de centres de santé, eux, peuvent pratiquer des IVG instrumentales sans la présence d’aucun gynécologue obstétricien, médecin réanimateur ou embolisateur présent sur place.
« Cette façon de faire est discriminatoire pour les sages-femmes et porteuse d’inégalités d’accès aux soins et dans le choix de la méthode d’avortement pour toutes les femmes », estimait Sophie Gaudu, gynécologue obstétricienne et présidente du Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie. « Tous les centres hospitaliers n’ont pas de gynécologues-obstétriciens, d’anesthésistes réanimateurs ou de plateau d’embolisation. Nous empêcher d’y pratiquer des IVG réduit son accès à de nombreuses femmes », insistait aussi Caroline Combot, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF).
Depuis, son syndicat a déposé un recours pour exiger un nouveau texte. « On est toujours choqué de voir que des textes peuvent être rédigés par des personnes qui connaissent très mal notre métier et qui vont tenter de nous rabaisser et de mettre en difficulté l’accès aux soins pour les femmes », déplore-t-elle. Elle salue la réécriture à venir du décret. Et espère que sa nouvelle rédaction améliorera l’accès pour les femmes à l’IVG.