Si un accord a été signé par l’État pour baisser, en Martinique, de « 20 % en moyenne » les prix de l’alimentaire, mercredi 16 octobre, celui-ci apparaît grandement insuffisant. « On va faire tout ce qu’il faut faire pour que ce problème-là (de la vie chère) puisse être réglé », a déclaré à la sortie des négociations Rodrigue Petitot, leader du collectif Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro caribéens (RPPRAC), à l’origine de la mobilisation contre la vie chère en cours depuis le 1er septembre. « Le peuple en total désaccord (avec le protocole) a décidé de poursuivre le mouvement », a-t-il assuré.
Pourquoi le collectif n’a-t-il pas signé l’accord ? D’une part, celui-ci concernait seulement 54 familles de produits, selon le collectif. « On parle de 6 000 produits sur 40 000. (…) Tout le monde est d’accord sauf le RPPRAC », a-t-il indiqué. D’autre part, il table sur une baisse de 20 %, alors que les prix de l’alimentaire sont actuellement 40 % plus élevés que dans l’Hexagone.
De ce fait, Rodrigue Petitot a déclaré : « On demande que le ministre (des Outre-mer) se déplace en Martinique. Tant que le ministre ne se déplace pas, personne ne pourra circuler » sur l’île, où se multiplient depuis plus d’un mois les barrages filtrants tenus par des militants. « On est ultra-déterminés. On maintient les blocages, on maintient tout. Le combat, c’est jusqu’à obtenir gain de cause », a-t-il martelé.
« Nous avons l’argent, nous ne pouvons pas manger »
Ce « protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère », sur ce territoire, a été signé entre la préfecture locale, la Collectivité territoriale de la Martinique et une batterie d’acteurs locaux, allant des distributeurs (hypermarchés et supermarchés notamment) aux parlementaires, en passant par le Grand Port maritime et le transporteur CMA-CGM. Il a été conclu mercredi soir à Fort-de-France au terme d’un septième volet de négociations et annoncé par le préfet de Martinique.
Ces négociations s’inscrivent dans un contexte de grande mobilisation sociale et de révoltes en Martinique, depuis début septembre. Face au sentiment d’injustice lié notamment à la vie chère, la colère s’est même embrasée, avec des pillages, des incendies, des blocages de routes ainsi que l’envahissement de l’aéroport du chef-lieu Fort-de-France. Un slogan résonne partout en Martinique : « Nous avons l’argent, nous ne pouvons pas manger ».
Ce mouvement qui embrase l’île résonne avec la lutte historique menée cinquante ans plus tôt, appelée grève marchante, où les grévistes se déplaçaient de plantation en plantation. Le militant indépendantiste Alex Ferdinand, était, lui, l’une des figures de « Septembre 1870 », du nom d’une insurrection dans le sud de l’île en 1974. Il se rappelait dans nos colonnes : « Les békés (familles issues des colons esclavagistes qui contrôlent l’économie de l’île – NDLR) n’ont pas facilement cédé. Nous avons arraché de faibles augmentations de salaire et amorcé le paiement des heures supplémentaires. Mais nous avons surtout obtenu des conventions collectives. »
Le préfet a tenté de justifier le bien-fondé du protocole
Une détermination partagée par les acteurs d’aujourd’hui. Deux jours avant la signature de l’accord et les signatures, le rappeur martiniquais Kalash, engagé dans la mobilisation, avait indiqué ne désirer qu’une chose, pour le média Radio Caraïbes International (RCI), lundi 14 octobre : « Amener la Martinique vers un apaisement ». Un apaisement conditionné par la volonté politique de l’État de signer des accords dignes.
De son côté, le préfet, dans un communiqué, a tenté, mercredi 16 octobre, de justifier le bien-fondé du protocole, arguant que l’accord prévoyait « l’accumulation des efforts collectifs » permettra aux « hypermarchés » de procéder à la réduction des prix sur « les familles de produits correspondant aux produits alimentaires les plus consommés en Martinique », a-t-il indiqué.
« Il y a urgence à signer pour l’économie martiniquaise », a-t-il déclaré, en marge de la septième table ronde mercredi. Il a également appelé à la « désescalade de la violence », alors que les autorités ont prolongé lundi jusqu’au 21 octobre un couvre-feu nocturne sur l’île. Quant aux personnes mobilisées depuis le 1er septembre, elles comptent bien ne pas céder, et mettre fin à la violence sociale omniprésente en Martinique.
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