Jeudi matin, un événement invraisemblable s’est déroulé à Sciences-Po : un débat interne sur la situation à Gaza s’est tenu sans que cela ne soulève une panique nationale. Un débat « avec des prises de position claires » et « beaucoup d’émotion », selon Jean Bassères, l’administrateur provisoire de la prestigieuse école. Incroyable… On ironise ? À peine, tant l’hystérisation politico-médiatique autour de la mobilisation étudiante, qui exige – rappelons-le – l’arrêt du massacre dans l’enclave palestinienne, est devenue absolument irrationnelle. À l’approche des élections européennes, le sujet a été érigé en marqueur politique entre une gauche divisée, avec une France insoumise qui assume de faire de Gaza l’un de ses thèmes principaux de campagne, et une droite qui épie chaque geste, chaque slogan, chaque mode d’action avec l’espoir de pouvoir lui accoler – au choix – un soupçon « d’antisémitisme », de « wokisme » ou « d’islamo-gauchisme »…
Qu’en restera-t-il ? En premier lieu, une dérive autoritaire et une répression politique inquiétante de la part du gouvernement. Aux multiples arrestations et convocations abusives pour « apologie du terrorisme » se sont succédé les interdictions de débats et évacuations manu militari de campus. Faut-il le rappeler ? L’occupation des facs a toujours été un moyen – banal – d’expression et de protestation pacifique utilisé par la jeunesse. En criminalisant, en caricaturant ce combat légitime pour les droits des Palestiniens, droite et majorité présidentielle espèrent disqualifier l’ensemble de la gauche. Elles piétinent surtout la liberté démocratique, étouffent la contestation et servent de carburant XXL à une extrême droite qui prospère silencieusement sur les haines.
Juste un rappel. Le Programme des Nations unies pour le développement a évoqué, ce jeudi, des destructions d’une ampleur « énorme et sans précédent ». L’ONU estime la reconstruction à 40 milliards de dollars. Face à l’horreur de Gaza et ses 35 000 morts, le devoir des progressistes est de refuser toute instrumentalisation. Et d’organiser, au-delà des urnes, une mobilisation la plus unie possible.