Avec le temps, c’est presque devenu un « marronnier » journalistique, au même titre que le changement d’heure ou les départs en vacances. Chaque année, autour de janvier, le nouveau record de dividendes versés aux actionnaires par les grandes entreprises françaises tombe. Et chaque année, il donne lieu à des salves d’indignation venues de la gauche et à des tirs de justification venus des libéraux : ces derniers nous expliquent que cette pluie de milliards viendrait rémunérer « une prise de risque » des actionnaires, qui contribuent à financer l’économie. Au fond, il y a quelque chose de pervers à cette « routinisation » du scandale : plus personne ne prend la peine de décortiquer ce qui, désormais, semble aller de soi.
Les rachats d’action, une pratique aberrante
En 2024, les multinationales du CAC 40 ont donc distribué 98,2 milliards d’euros à leurs actionnaires, soit un nouveau record après celui de 2024 (97,2 milliards). Dans le détail, 72,8 milliards ont été alloués sous forme de dividendes en numéraire et 25,5 milliards sous forme de rachats d’actions. Pour mémoire, lorsqu’une entreprise rachète ses propres actions pour les détruire ensuite, cela a pour conséquence d’augmenter le bénéfice par action (puisque le nombre de parts en circulation diminue mécaniquement), tout en poussant à la hausse le cours de l’action (puisque la demande d’actions augmente).
Cette pratique aberrante, qui n’a d’autre objectif que la satisfaction de l’actionnaire, illustre bien la place prise par les logiques financières dans les stratégies des grandes entreprises : la maximisation de la valeur actionnariale s’impose aux dépens de toutes les autres préoccupations.