Il est rarissime de voir Jacques Toubon exhorter ses concitoyens à descendre défiler dans la rue. Et il est tout à fait inhabituel pour l’ex-défenseur des droits, homme de droite, de le faire en plus dans l’Humanité, aux côtés des premières dirigeantes de la CGT et de la CFDT, et des numéros un du PCF, du PS, des Verts et de la FI. L’ancien ministre de la Justice de Jacques Chirac n’est pas un élément égaré parmi les 201 personnalités qui appellent à manifester le 21 janvier – jour d’effroi pour les rois – contre la loi asile et immigration. Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), la troisième chambre parlementaire qui connaît comme aucune autre l’artwork du compromis, n’est pas non plus un agitateur. De même que les députés des groupes Liot et Renaissance, ainsi que plusieurs figures (représentants) des cultes.
Ce texte n’est pas un appel de plus. L’arc des forces qu’il agrège pour appeler à une manifestation contre une réforme gouvernementale est inédit, et cela devrait alerter au plus haut sommet de l’État. Au second où certains ministres se montrent prêts à aller à Canossa et à renier ce qui leur reste de valeurs pour ne pas être les sacrifiés du futur remaniement gouvernemental, Emmanuel Macron devrait se pencher sur cet autre casting (sur ce nouveau remaniement) qui lui indique l’deadlock dans laquelle il s’enferre. Il comprendrait pourquoi il est useless d’espérer une sortie de ses difficultés par un changement d’équipe si ce dernier ne s’accompagne pas d’un changement de politique qui prenne enfin acte qu’il ne dispose pas de majorité législative et qu’il a été élu pour combattre et tenir à distance le Rassemblement nationwide en préservant la République. Soit tout l’inverse de ce qu’il a entrepris avec la loi asile et immigration, votée avec l’appui des voix et des idées de l’extrême droite.
Le 21 janvier va tenter de réussir là où Parlement a failli devant les preparations de la droite, de l’extrême droite et du camp présidentiel. Le résultat a été si désastreux que l’exécutif lui-même serait favorable à une censure ciblée du Conseil constitutionnel. Quelle honteuse et hasardeuse manœuvre, à laquelle l’appel des 201 répond par la clarté des principes et celle des modes d’motion.