Semaine chargée pour Michel Barnier en matière de service après-vente. Après son discours de politique générale mardi 1er octobre devant les députés, c’est face aux Français que le premier ministre s’est exprimé, jeudi 3 octobre, dans l’émission l’Évènement sur France 2. L’occasion pour le locataire de Matignon de dérouler sa feuille de route austéritaire qui reprend bon nombre d’obsessions ultralibérales de la Macronie tout en assurant une bonne place aux exigences anti-migrants de son ministre de l’Intérieur et de l’extrême droite.
▷ Impôts : une contribution ultra-ciblée
Alors que la fronde est menée tambour battant par l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin contre toute hausse d’impôt, Michel Barnier a tenté de rassurer son camp sur la mise à contribution des grandes entreprises et des plus fortunés annoncée mardi à l’Assemblée nationale.
Seules « 300 entreprises » qui « font plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires » devraient ainsi être concernées par un « un effort exceptionnel temporaire », pendant « un an et peut-être deux ans », a précisé le premier ministre. « Il y aura des efforts sur les aides qu'(elles) touchent pour les allocations, les charges sociales qu’on va essayer de mieux s’ajuster pour qu’elles soient plus efficaces, pour qu’elles ne constituent pas des trappes sur les bas salaires, comme c’est le cas aujourd’hui », a-t-il ajouté tout en insistant : « Mais il n’y aura pas d’impôts nouveaux sur la quasi-totalité des 4 millions d’entreprises ».
De même sur le front des impôts des plus riches avec un « ajout » à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus qui portera par exemple un couple au revenu fiscal de 500 000 euros par an « mais pas en dessous ». Là encore une « participation exceptionnelle et temporaire ».
▷ Budget 2025 : une « non-rigueur » à 40 milliards
Alors que plus de 40 milliards d’euros d’économies dans la dépense publique sont prévus par son gouvernement, Michel Barnier a tout de même assuré : « Non, on n’entre pas dans une période de rigueur, ni d’austérité, puisque les dépenses publiques vont continuer comme l’année dernière. Donc ce n’est pas la rigueur. »
Mais de prévenir tout de même : « Dans l’effort que nous allons faire pour réduire la dette, 60 milliards (d’euros), il y aura deux tiers de réduction des dépenses publiques. Et ça va être très dur. » Les services publics sont en première ligne : « On va fusionner des services publics. On va sans doute ne pas remplacer tous les fonctionnaires quand ils ne sont pas en contact direct avec les citoyens, tous les fonctionnaires qui partent en retraite », a-t-il affirmé.
▷ Immigration : la ligne Retailleau au pouvoir
En matière d’immigration, « c’est moi qui fixe la ligne », a assuré jeudi Michel Barnier. Mais sa feuille de route sur le sujet ressemble comme deux gouttes d’eau à celle fixée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau : « il y aura des mesures rigoureuses pour (la) maîtriser », a ainsi affirmé le chef de l’exécutif.
« Je ne négocie pas avec Marine Le Pen », s’est également défendu le locataire de Matignon (renvoyant au passage l’extrême droite dos à dos avec « ni avec les partis d’extrême gauche qui n’ont pas voulu participer au gouvernement »). Les appels du pied au RN ne manquent pas pourtant, notamment en matière d’immigration.
Face à une Marine Le Pen qui veut obtenir un nouveau texte en la matière, « je ne vais pas annoncer des lois à l’avance », a répondu Michel Barnier, mais « peut-être qu’il y aura des changements de la loi si c’est nécessaire ». « On va appliquer les règles pour mieux maîtriser l’immigration, accueillir ceux qu’on a envie d’accueillir et ceux qui ont le droit d’être accueillis chez nous parce qu’ils sont réfugiés », a-t-il expliqué tout en ajoutant qu’il y aurait « des mesures rigoureuses pour maîtriser l’immigration ». Parmi ceux que le premier ministre a « envie d’accueillir » ? « Tellement de sportifs, de musiciens, d’entrepreneurs qui donnent l’exemple et qui sont bien intégrés », a listé Michel Barnier… Les salariés en première ligne – des aides à domicile aux travailleurs du bâtiment – n’ont pas le droit à tant d’égards.
Quant à l’AME, on « peut mieux (la) gérer », a temporisé le locataire de Matignon. « C’est une question plus large, on va voir calmement les choses pour que ceux qui y ont droit puissent la recevoir », a-t-il ajouté.
▷ « Fraude sociale » : les pauvres en ligne de mire
La « question plus large », c’est celle de la « fraude sociale ». « Il faut que le travail paie plus que l’addition des allocations. » Si ce refrain entonné par Michel Barnier vous dit quelque chose, c’est normal il était déjà celui de la Macronie pour imposer la réforme de l’assurance chômage notamment.
En l’occurrence, le premier ministre l’utilise pour défendre l’une de ses mesures phares de la primaire LR de 2022 qu’il a perdue : « L’allocation sociale unique. » Un projet « qui va prendre un peu de temps », assure Michel Barnier, arguant qu’il faut « débureaucratiser cette masse d’allocations qui sont réparties ». Une mesure qui figure aussi au rang de celles présentées mercredi par Laurent Wauquiez, président des députés Droite républicaine (ex-LR).
Avec ses troupes, il préconise que cette allocation nouvelle formule soit « plafonnée » à « 70 % du Smic », afin de lutter contre l’« assistanat ». Une vielle marotte de la droite – Laurent Wauquiez avait même fustigé le « cancer de l’assistanat », lorsqu’il était ministre en 2011 – reprise à son compte par la Macronie qui consiste à présenter chômeur et précaire comme unique responsable de leur privation d’emploi pour mieux leur supprimer leur droit.
Dans la même lignée, Michel Barnier a ressorti du placard une autre de ses propositions de la primaire : la sécurisation de la carte vitale pour éviter les versements indus, en l’adossant à des données biométriques. Le premier ministre est moins dissert sur la « fraude sociale » émanant des entreprises que des bénéficiaires de la protection sociale. Et ce alors que celles-ci sont responsables de 56 % des 13 milliards de fraudes, selon un rapport du selon le Haut Conseil au financement de la protection sociale (HCFiPS) dans un rapport daté du 25 septembre. Mais tout comme les quelque 100 milliards annuels d’évasion fiscale, ces données sont moins raccord avec la stratégie de stigmatisation des plus pauvres.
▷ Agriculture : les normes comme seul problème
Comme lors du mouvement des agriculteurs de l’hiver dernier, le premier ministre entend bien renvoyer au second plan la question du revenu paysan : « Ces agriculteurs qui sont touchés par des crises sanitaires, des mauvaises récoltes, méritent d’être encouragés. Ils en ont ras-le-bol. Ras-le-bol des contraintes, des règles et des contrôles », a-t-il estimé. Et de promettre comme son prédécesseur : « Donc on va faire une pause sur les normes ».
Michel Barnier – qui doit se rendre vendredi au Sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme) – a également annoncé lors de son discours de politique générale que son gouvernement « reprendrait sans délai » le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole qui place l’agriculture au rang d’intérêt général majeur, met en place un guichet unique pour l’installation de nouveaux agriculteurs, facilite la construction de bâtiments d’élevage ou de réserves d’eau. Impératifs sociaux et écologiques n’ont qu’à bien se tenir, ils sont loin de figurer au rang des priorités.
▷ Proche-Orient : « Israël est en état de légitime défense »
« Israël est en état de légitime défense en quelque sorte » depuis les attentats terroristes du 7 octobre, a également estimé Michel Barnier, interrogé sur la situation au Proche-Orient. « C’est cela qui a conduit à toute cette violence avec toutes ces victimes civiles, naturellement les victimes palestiniennes trop nombreuses à Gaza, puis en Israël et aujourd’hui au Liban. »
« On a un risque d’embrasement.(…) Je ne crois pas qu’il soit trop tard pour l’interrompre », a ajouté le premier ministre, assurant que « la sécurité d’Israël n’est pas négociable, et en même temps, quand il y aura un cessez-le-feu, il faudra tracer une perspective pour le peuple palestinien ».
Des dizaines de milliers de Gazaouis sont morts sous les frappes israéliennes depuis un an, plus de 1 000 Libanais ont également péri en quelques jours mais sanctions et arrêt des livraisons d’armes à Israël pour imposer un cessez-le-feu auquel appelle la communauté internationale ne sont toujours pas à l’ordre du jour notamment de la part des États-Unis, ou de la France.
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