Pour sa 61e édition, les agriculteurs ont les yeux rivés sur le Salon de l’agriculture avec le moral dans les chaussettes. Si, jeudi 20 février, le projet de loi d’orientation d’agricole (Ploa) a été validé au Sénat, facilitant l’industrialisation des fermes et la dépénalisation des atteintes à l’environnement, il a totalement occulté l’une des préoccupations nommées grandes causes nationales par le gouvernement : la santé mentale.
Aujourd’hui, en France, un suicide d’agriculteur a lieu tous les deux jours d’après un rapport de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail. Et le taux de suicides des agriculteurs est supérieur de 20 % comparé au reste de la population.
Une situation alarmante qui a poussé, le même jour du vote du Ploa, le député socialiste Arnaud Simion à organiser à l’Assemblée nationale un colloque sur la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Citant un extrait du livre de Camille Beaurain et d’Antoine Jeandey, Tu m’as laissé en vie, paru en 2019, sur la descente aux enfers d’un jeune agriculteur, le parlementaire a rappelé qu’il « existe aujourd’hui autour du suicide agricole en France un véritable tabou ».
« Il faut aider les producteurs à dédramatiser »
Pourtant, l’étau se resserre chaque jour sur les exploitants et ouvriers agricoles : faiblesse du revenu, manque de repos, nombre d’heures travaillées – parfois jusqu’à 70 heures par semaine –, endettements provoqués par l’achat de matériel, sentiment d’isolement, questions liées à la transmission ou encore complexités administratives.
« Un jour je n’ai pas voulu me lever. Je suis actuellement en dépression et je suis en hôpital psychiatrique depuis trois mois », s’est livré un maraîcher, au micro de France Inter lors du colloque. Âgé d’une soixantaine d’années, l’agriculteur a témoigné de son mal-être en raison de son exposition à des produits phytosanitaires et de la solitude du quotidien.
Mais les suicides ne sont que la partie émergée de l’iceberg. De nombreux facteurs tels que les burn-out ou encore les troubles anxieux sont autant de signaux d’alarme. « On sait que la population agricole consomme beaucoup de psychotropes. Elle consomme beaucoup d’antidouleurs pour faciliter la dureté des tâches quotidiennes, mais à un moment donné ça craque », assène Magalie Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), la « sécurité sociale » des agriculteurs.
« On leur propose des téléconsultations. Ce n’est pas une réponse adaptée à des gens qui vont mal »
L’organisme a donc mis en place « L’aide au répit, soutien administratif » : un dispositif qui permet aux agriculteurs de bénéficier d’un assistant, chargé de s’occuper ponctuellement des prestations administratives liées à l’exploitation. « Mais nous souffrons également des déserts médicaux. Les paysans ne sont pas des gens qui vont chez le médecin tous les jours et, quand ils le font, on leur propose des téléconsultations. Ce n’est pas une réponse adaptée à des gens qui vont mal », déclare Marie-Andrée Besson, présidente de l’association Solidarité paysans.
Des initiatives voient le jour un peu partout, comme à la chambre d’agriculture de la Haute-Garonne. Son président, Sébastien Albouy, a mis en place la cellule Réagir, où les agriculteurs peuvent collectivement exprimer leurs difficultés et recevoir des conseils. « Il faut aider les producteurs à dédramatiser. Le regard des autres pèse lourdement dans ce milieu, mais il n’y a pas de honte à reconnaître que son exploitation ne fonctionne pas », explique-t-il.
Enfin, question rémunération, André Chassaigne, député communiste, présent dans l’auditoire, a profité du moment pour rappeler l’importance de réformer la politique agricole commune (PAC) et son système de distribution d’aides financières à l’hectare : « Des choix politiques doivent être faits. Une partie de l’argent vient de la PAC. On veut faire plaisir à tout le monde. On ne veut pas s’attaquer aux privilèges de certains. Mais on sait bien que les exigences environnementales nécessitent un changement de pratique agronomique. »
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