Sur les murs carrelés blancs de la pizzeria Nuovo Mondo, des maillots de l’équipe d’Italie et, à l’entrée, une photo des années 1980 en noir et blanc de l’équipe nationale féminine, à l’époque où l’Italie trônait au sommet du football féminin européen. Cette pizzeria est une institution dans le quartier et brasse des personnes d’univers très divers. Nous sommes à Testaccio, là où je vis depuis mon arrivée à Rome en 2020 et où a été tourné « C’è ancora domani » (1) de la réalisatrice Paola Cortellesi, un film où la protagoniste Delia rêve d’un avenir meilleur face à la violence qui l’entoure.
Testaccio compte comme enfant, notamment, l’entraîneur de football italien Claudio Ranieri (2). Parmi ses exploits récents, la remontée de Cagliari en Série A en 2023 et le maintien acquis l’année suivante par l’équipe sarde. Mais Ranieri ne brille pas que par ses réussites sportives. La presse italienne a récemment révélé qu’il avait soutenu Jakub Jankto, un joueur de football tchèque qui a la particularité d’être le seul joueur d’un grand championnat européen à avoir fait son coming out gay en 2023. Ranieri aurait ainsi indiqué au joueur, lors de son arrivée à Cagliari, que si celui-ci se heurtait à une quelconque homophobie dans le vestiaire, il pourrait compter sur son aide. C’est loin d’être un détail dans ce milieu considéré comme l’un des plus homophobes qui soit.
Dans ce contexte, d’autres projets tentent d’exister. Les Lupi Roma, une équipe amateur de football à cinq, organise chaque année un tournoi mixte et inclusif contre l’homophobie baptisé Veni Vidi Daje ! La dernière édition s’est tenue le 27 avril avec des équipes venues de Naples, Milan, Florence et Turin. D’autres initiatives sont menées dans le monde du sport professionnel, comme celles de la fondation Lilian Thuram ou de l’association Rouge Direct.
Ces démarches, plus ou moins locales, sont essentielles pour faire évoluer les mentalités et lutter contre les violences. Elles améliorent le quotidien des personnes concernées dans des proportions que les autres ne mesurent pas toujours. L’homophobie, c’est également des personnes qui sont expulsées de leur domicile par leurs parents, comme la jeune toscane Malika Chalhy, en 2021, qui avait reçu le soutien public de la joueuse de football internationale italienne Elena Linari. Cette dernière avait déclaré qu’elle « serait toujours là » pour Malika. L’AS Roma, le club d’Elena, avait relayé les propos de l’internationale italienne dans un communiqué.
Bien entendu, l’homophobie dépasse le monde du sport. Il y a quelques jours, j’ai retrouvé une amie perdue de vue depuis une dizaine d’années. En 2011, elle avait été attaquée, avec sa copine, dans le centre d’une petite ville française, par deux personnes munies de barres de fer. Face à ces passages à l’acte très violents, les soutiens et prises de parole publics sont essentiels. Chaque année, le 17 mai, pour la Journée mondiale de lutte contre les discriminations, qui touchent les personnes LGBTQI, il est nécessaire, comme un éternel et épuisant recommencement, de rappeler le fondamental : rien ne justifie les discriminations et les violences. Ce combat n’est pas annexe, et chacun, chacune, qu’il soit concerné ou non, a un rôle à jouer pour éliminer définitivement de nos sociétés des violences qui brisent des vies.
(1) « Il reste encore demain »
(2) Champion de France, d’Angleterre, d’Italie. Passé par l’AS Roma.