Le député et ancien ministre Guillaume Kasbarian défend une simplification des procédures d’ouverture des bars en milieu rural, pour redonner vie aux villages, une proposition de loi adoptée, mercredi 5 mars, en commission des affaires sociales, à l’Assemblée nationale. Entretien.
Pour quelle raison défendez-vous cette proposition de loi, adoptée mercredi en commission, qui vise à simplifier l’ouverture des débits de boissons dans les communes rurales ?
Parce qu’un certain nombre de petites communes ont perdu des cafés ces dernières décennies et se retrouvent empêchées aujourd’hui d’en ouvrir à nouveau.
J’ai des témoignages d’élus, d’entrepreneurs qui souhaiteraient la renaissance d’un bar dans leur village, mais ne peuvent pas le faire parce qu’ils n’ont pas la possibilité d’avoir une licence 4 qui leur permettrait de vendre des alcools de plus de 18°.
Une législation créée en 1941 sous Vichy empêche la création de nouvelles licences. Ou alors il faut qu’un bar dans le département fasse faillite, qu’il vous vende sa licence, ce qui coûte très cher, et que le maire et le préfet soient d’accord pour la transférer. Autant dire que, quand vous avez l’idée de créer votre projet, ce n’est pas demain la veille que vous allez réussir à avoir votre licence 4.
Ce que nous proposons, c’est tout simplement de permettre aux communes de moins de 3 500 habitants qui ne disposent pas de débit de boissons de licence IV, de pouvoir en avoir un, à travers une simple déclaration.
C’est une mesure de simplification et de revitalisation rurale, puisque les cafés et les bars sont souvent dans ces villages le seul lieu de vie qui nous permet de nous retrouver.
Les normes bureaucratiques pouvaient peut-être se justifier à l’époque, mais, après des années de désertification rurale, il y a une chute vertigineuse du nombre d’établissements.
Que disent les chiffres ?
Nous sommes passés de 200 000 établissements en 1960 à 40 000 aujourd’hui. Et si vous remontez avant 1960, il y en avait plusieurs centaines de milliers au début du XXe siècle.
Aujourd’hui, on a des gens qui ont envie de se retrousser les manches, de créer des lieux de convivialité dans les petits villages et qui ne peuvent pas le faire. L’objectif, c’est d’arrêter d’embêter tout le monde avec des réglementations et faire simple pour mettre de la vie dans les villages.
Car créer un bar sans pouvoir servir d’alcool, ça pose d’autres difficultés de rentabilité pour le cafetier.
Miser ainsi sur les débits de boissons pour créer du lien à l’heure des réseaux sociaux, est-ce dans l’air du temps ?
Je pense qu’il faut moins de réseaux sociaux et plus de bistrots ! Les échanges qu’on peut avoir dans un café sont plus apaisés, plus chaleureux, c’est la vie réelle.
Avec les réseaux sociaux, on est derrière son écran, c’est déshumanisé. Le bistrot fait partie de notre culture, de notre patrimoine. Mais il ne faut pas les opposer, chacun fait ce qu’il veut.
Que répondez-vous à LFI qui s’oppose au texte au nom de la lutte contre l’alcoolisme ?
C’est ridicule ! L’écrasante part de la consommation d’alcool ne passe pas par les bars, mais par la vente en supermarché. Alors que dans un bar, les doses sont contrôlées par le tenancier, il a des règles à respecter.
Ce qui me paraît surprenant de la part de LFI, c’est que parallèlement à la croisade qu’ils mènent contre les bars et les cafés, ils sont pour la légalisation du cannabis. Cela s’explique peut-être par le fait que beaucoup d’entre eux ne connaissent pas la ruralité, ils sont élus de grandes zones urbaines ou de banlieues.
Quelles sont les prochaines étapes désormais du parcours législatif de la proposition de loi ?
Le texte sera débattu en hémicycle lundi 10 mars. Une fois qu’il sera voté, je l’espère, il passera au Sénat en première lecture. Et comme le gouvernement a engagé une procédure accélérée pour la proposition de loi, il est tout à fait possible que nous réussissions à trouver un compromis avec les sénateurs dès la première lecture, c’est-à-dire dans les semaines qui viennent. Cela peut aller assez vite.
Quelles sont les chances, selon vous, que ce texte soit adopté ? Outre les parlementaires macronistes, vous comptez sur le soutien de la droite et du RN ?
On verra bien aussi ce que font les communistes, je sais qu’ils sont attachés au lieu de convivialité, Fabien Roussel est plutôt bon vivant et n’a pas, dans le passé, montré d’hostilité vis-à-vis des cafés. J’écouterai ce que dit Ruffin, ce que disent les écologistes. Mais je suis convaincu qu’une large majorité de parlementaires seront plutôt allants pour le faire.
Et vous aurez aussi probablement des députés ruraux qui ont été sollicités sur le sujet dans leur circonscription.
Je ferai le maximum, en tout cas, pour convaincre, indépendamment de l’orientation politique. Je pense que ça fait partie des objets sur lesquels on peut se retrouver.
C’est un texte qui est soutenu par l’Association des maires de France.
Tout à fait et par l’Association des maires ruraux de France. Car plus de 20 000 communes sont dépourvues aujourd’hui de tout commerce. C’est une réponse concrète à une attente à la fois des élus, des créateurs d’entreprises et bien sûr des habitants ruraux.
Faut-il actionner, selon vous, d’autres leviers pour essayer de redonner vie à cette France des clochers qui s’éteint parfois doucement ?
Si on veut que ces établissements puissent durer ensuite dans le temps, il faut un modèle où le patron du café réussit à vivre de son travail. La meilleure façon d’y arriver c’est de faire en sorte qu’il ait moins de prélèvements obligatoires
Ces lieux sont souvent aussi pérennes quand ils arrivent à se diversifier, en concentrant un maximum de services. Vous pouvez avoir de la petite épicerie qui vend des produits locaux, le tabac, le PMU, les jeux de grattage, la presse, le multiservice, le relais colis, des locations éventuellement pour des événements associatifs ou privés.
Il faut faire en sorte que ces lieux deviennent incontournables.