Depuis les attentats du 7 octobre, elle en prend plein la figure. D’un côté, on la traite « d’idiote utile du Hamas » ; de l’autre, « de sale sioniste », caution du gouvernement israélien. Mais il en faut plus pour décourager Hanna Assouline.
« C’est mon côté verre à moitié plein », commente la trentenaire à l’énergie contagieuse. Elle fustige tout autant « le hold-up sur la lutte contre l’antisémitisme par la droite et l’extrême droite », qu’un certain abandon qu’elle observe à gauche. Son combat à elle, c’est le contraire des anathèmes et des certitudes excluantes.
« Le chemin de solidarité et de fraternité, c’est d’être capable de s’écouter, de dialoguer, sans jamais devoir renoncer à ce que chacun est », explique la journaliste et documentariste qui a cofondé les Guerrières de la paix et vient de sortir un livre du même nom.
Relayer les voix de la paix
Ce mouvement de femmes naît en 2022, du désarroi d’un groupe d’amies face aux tensions en France, exacerbées par un nouvel épisode de violences au Proche-Orient. Cela fait alors plusieurs années que celle qui se définit comme juive séfarade a vu se déliter l’ambiance de solidarité multiculturelle qu’elle a connue enfant, dans le 20e arrondissement de Paris. « Face à la montée de l’antisémitisme, du racisme, de la concurrence mémorielle, on avait l’impression d’être assignées à un face-à-face. On a eu besoin de se retrouver et d’une nouvelle voix pour dénoncer, ensemble, toutes les injustices, tous les crimes, sans rien relativiser », raconte-t-elle.
L’association entend aussi « relayer la voix des militantes de la paix, l’amplifier, et faire en sorte qu’elles soient reconnues ici ». Ces femmes israéliennes et palestiniennes qui militent ensemble pour la paix au sein de Women Wage Peace, elle les a découvertes en 2018 et leur a consacré un documentaire. Leur invisibilisation, comme celle de tous les militants de la paix, la scandalise. Pour les soutenir, les Guerrières ont tissé « une chaîne de solidarité » de femmes du monde entier.
Une enfance multiculturelle
Cette envie d’un vrai dialogue, elle la tire aussi de ses parents, juifs du Maghreb. « J’ai été nourrie par cette culture et cette identité plurielle. Elle fait partie intégrante de mes engagements, de mon rapport au monde et peut-être même de cette volonté de réconcilier », confie-t-elle.
Enfant, elle a vu son père, le militant puis sénateur PS David Assouline, et sa mère, la psychanalyste et chanteuse Brigitte Stora, militer avec leurs amis d’origine maghrébine. Elle a aussi été bercée par les histoires de son grand-père marocain, travailleur à La Poste, syndiqué à l’Istiqlal.
Avec son physique de jeune fille, son joli minois et son credo pour la paix, on pourrait la croire naïve et apolitique. Les apparences sont trompeuses. « On n’a jamais mâché nos mots pour dénoncer la politique criminelle et fasciste de Netanyahou et de ses alliés d’extrême droite messianiques, tout comme l’organisation fasciste et terroriste du Hamas ! » martèle-t-elle.
D’autant que, des deux côtés, les fanatiques partagent l’hostilité envers la liberté des femmes. Au-delà, « la dénonciation de la colonisation illégale de la Cisjordanie, de la violation des droits humains des Palestiniens, la demande de la levée du blocus de Gaza, nous les portons depuis la création des Guerrières de la paix. Nous demandons dans un même souffle un cessez-le-feu immédiat à Gaza et la libération des otages. Les deux peuples ont le droit de vivre sur cette terre ».
Reconnaître la légitimité de l’autre
Lors de son dernier voyage sur place, après les attentats et l’offensive à Gaza, elle a été marquée par « cette peur existentielle en miroir qui existe des deux côtés : les Israéliens, peuple de réfugiés, qui vivent depuis le début avec la hantise d’être, avec leur État, rayés de la carte. Et les Palestiniens qui, depuis la Nakba, vivent dans la douleur de la perte et la peur de la disparition. Les morts qui s’amoncellent depuis le 7 octobre ravivent ces traumatismes ». Malgré tout, elle raccroche son espoir aux grandes manifestations anti-Netanyahou et à la détermination des militants de la paix.
Elle qui prône une solution à deux États et juge nécessaire la reconnaissance d’un État palestinien le sait. Faire la paix sera coûteux. « Il faudra, de part et d’autre, faire des concessions. » Le point de départ, « c’est la reconnaissance de la légitimité mutuelle ».
Rien ne lui paraît plus hors-sol que ceux qui accusent les militants de la paix d’utopie et de naïveté. « Le combat pour la paix est le plus le plus pragmatique. Au lieu d’une guerre sans fin, c’est celui qui pousse à chercher des solutions : comment fait-on pour réparer, pour avancer ensemble ? Ce féminisme pacifiste est ancré dans le réel, dans la vie. Il résonne avec un sentiment de responsabilité. »
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