Alors que les États-Unis se détournent de l’Ukraine et de l’Europe, Emmanuel Macron a annoncé mercredi soir qu’il a « décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion (nucléaire) de nos alliés du continent européen ». Le président dit avoir répondu à « l’appel historique du futur chancelier allemand » Friedrich Merz.
« En réalité, cela fait des années que le chef d’État tente d’ouvrir ce débat. C’était déjà le cas dans son discours de la Sorbonne en 2017, et dans celui de 2020 à l’École militaire. L’évolution internationale lui offre une opportunité parfaite de le promouvoir à nouveau », note Jean-Marie Collin, directeur d’Ican France, qui défend l’abolition des armes nucléaires.
Un outil d’insécurité
Le gouvernement français a précisé que Paris conserverait le contrôle total de son nucléaire militaire. Il s’agit donc de ne pas partager cette arme avec l’Europe, mais d’étendre les territoires couverts par la France. « Les pays européens sans dissuasion nucléaire étaient persuadés qu’ils étaient sous parapluie américain. Ils ont compris que l’assureur est défaillant, voire un traître », mesure Guillaume Ancel, ancien lieutenant-colonel et spécialiste des questions de défense.
« Macron profite d’un contexte politique anxiogène pour renforcer sa place dans le monde. Mais il ne faut pas oublier que l’arme nucléaire ne favorise pas la sécurité : elle favorise l’insécurité », observe Patrice Bouveret, président de l’Observatoire des armements.
Quelle est d’ailleurs la portée effective de l’annonce du président, prise comme une provocation et une « menace » par les Russes ? « La bombe nucléaire ne protège que des bombes nucléaires. C’est un outil de suicide collectif et c’est pour ça qu’il est dissuasif. Si le calcul est de dire que la France lancera une bombe sur la Russie en cas de bombe nucléaire russe lancée sur l’Allemagne, au risque d’en prendre une à Paris en retour, tout cela reste très peu probable », rappelle Guillaume Ancel.
Peu probable, mais pas impossible. « La bombe nucléaire est faillible et n’empêche pas les guerres. Elle représente une menace permanente pour toute l’humanité. Nous n’avons aucune preuve que les ogives ne seront pas un jour utilisées avec des conséquences incommensurables, des destructions massives, des morts et des millions de réfugiés. L’annonce de Macron décrédibilise tous les traités de non-prolifération et de désarmement. Elle relance la course à la bombe. La dissuasion, c’est la possibilité de frapper à tout moment des populations civiles. C’est de cela dont on parle, et ce n’est servir ni la paix ni la sécurité de chacun », développe Jean-Marie Collin.
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