La sécurité européenne est à “un tournant”, a affirmé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen à son arrivée à Paris, où des dirigeants de pays de l’UE et le chef de l’Otan se réunissent pour tenter de présenter un front commun face aux initiatives américaines sur l’Ukraine. Décryptage avec Carole Grimaud, professeure de géopolitique et spécialiste de la Russie à l’université Paul-Valéry de Montpellier.
Une dizaine de dirigeants européens se retrouvent ce lundi 17 février 2025 à Paris pour discuter de la sécurité en Europe et du conflit en Ukraine. Cette rencontre intervient alors que Donald Trump a annoncé cette semaine qu’il rencontrerait Vladimir Poutine en Arabie Saoudite pour engager des négociations sur l’Ukraine. Interrogé la semaine dernière à la Conférence sur la sécurité de Munich (Allemagne) sur l’éventuelle participation des Européens, l’envoyé spécial de Donald Trump sur l’Ukraine, Keith Kellogg, a répondu : “Je fais partie de l’école réaliste, je pense que ça ne va pas se produire”. Carole Grimaud, professeure de géopolitique et spécialiste de la Russie à l’université Paul-Valéry de Montpellier, assure, elle, que “des troupes françaises seront envoyées en Ukraine”. Interview.
Pourquoi Donald Trump et Vladimir Poutine ont-ils choisi de mettre l’Europe de côté ?
Donald Trump et Vladimir Poutine ont décidé de se concerter sans l’Ukraine, sans l’Europe, mais les décisions viendront certainement plus tard. Et là, l’Ukraine entrera dans le jeu. Quant à l’Europe, je ne pense pas qu’elle rentre dans les négociations. D’ailleurs, ça a même été souligné de nouveau par Vladimir Poutine : il ne souhaite pas que l’Europe soit à la tête des négociations. Du côté américain, c’est pragmatique : on va plus vite et on décide plus vite quand on est moins nombreux.
Ensuite, il y a ces relations plutôt bonnes entre Vladimir Poutine et Donald Trump. Et se retrouver sans un autre regard extérieur, que ce soit européen ou ukrainien, leur facilite la tâche. Ils pensent qu’ils arriveront à plus de résultats. Ce qui veut dire aussi qu’ils prennent des risques par rapport à l’Ukraine. La position ukrainienne est très périlleuse. La peur est qu’ils prennent des décisions, qu’ils jettent déjà des futures négociations qui n’aillent pas du tout dans le sens de Volodymyr Zelensky.
Que doit-on attendre de la réunion qui a lieu aujourd’hui à Paris entre les dirigeants européens ?
On ne sait pas ce qu’il faut attendre de cela, parce que la réunion se fait dans l’urgence et tardivement. C’est une réunion de réaction qui est essentielle pour commencer à mettre rapidement les choses en place. Mais les sujets à traiter sont si importants, si graves, que ce n’est pas en un après-midi qu’ils vont se mettre d’accord. Les dirigeants européens réunis vont toutefois certainement se concerter sur deux points importants : ces troupes que l’Europe veut envoyer pour assurer l’application d’un cessez-le-feu et cette fameuse augmentation du “budget défense” des pays membres de l’Otan exigées par Donald Trump [Donald Trump veut que les pays de l’Otan augmentent leur budget de défense à 5 % du PIB, NDLR]. Sur ce dernier point, le meilleur élève est la Pologne, quand le Royaume-Uni n’est pas arrivé à plus de 2,7 %. Et du côté français, je crois qu’on n’est pas plus haut. C’est assez laborieux.
Justement, l’Europe peut-elle ou va-t-elle envoyer des troupes en Ukraine ?
Le Premier ministre britannique l’a dit. Ils sont prêts. Ils vont envoyer des soldats britanniques en Ukraine après un cessez-le-feu, après la résolution, après les négociations. Ils assureront le soutien à l’Ukraine et veilleront à ce qu’il n’y ait pas d’autres agressions russes. Ce n’est pas vraiment un maintien de la paix, mais c’est une protection. Côté français, il n’y a pas eu de communiqué du président. Néanmoins, c’est Emmanuel Macron qui a été à l’initiative de cette idée, il ne va donc pas pouvoir reculer : des troupes françaises seront envoyées en Ukraine.