Par Pauline Le Bourgeois, avocate
Les jours de grève ne sont pas payés. Qu’en est-il lorsqu’ils sont inclus dans une période de travail plus longue, devant s’exécuter sans interruption ? L’employeur doit-il proposer une autre affectation au salarié pour les jours au-delà de la durée de la grève ? Peut-il déduire du salaire l’ensemble de la période ou doit-il limiter les déductions aux seuls jours de grève ?
Une hôtesse de l’air de la compagnie Air France, programmée sur un vol Paris-San Francisco-Paris de 4 jours, a posé 2 jours de grève au début de son service. Elle s’est ensuite tenue à la disposition de l’employeur sur les 2 derniers jours. Sans distinguer les jours de grève des jours où la salariée était restée à sa disposition, Air France a déduit du salaire 4 jours, considérant qu’ils constituaient un tout indivisible et qu’il lui était unimaginable de réaffecter la salariée sur les jours restant.
La salariée, appuyée par deux syndicats, dont le SNPNC-FO, a saisi le conseil de prud’hommes pour demander à être payée les 2 jours restant. Elle soutenait avoir bien respecté le délai de préavis pour la pause des jours de grève et être, ensuite, restée à la disposition de l’employeur. Elle ajoutait que, tenu de lui fournir du travail, l’employeur avait la possibilité de la placer « en alerte à domicile » sur ces autres jours.
La cour d’appel de Paris lui a donné raison, jugeant le 14 septembre dernier que l’abattement de la rémunération doit être strictement proportionnel à la durée de la grève. La cour a rappelé que, pendant la grève, l’employeur peut remplacer les salariés grévistes par des non-grévistes, sous réserve de ne pas modifier leur contrat de travail. En revanche, en dehors de la grève, l’employeur doit fournir du travail au salarié et le rémunérer, sauf circonstances contraignantes l’empêchant de fournir du travail. En l’espèce, la cour a observé que l’employeur avait bien la possibilité de réaffecter la salariée sur les jours restant. Elle s’est fondée sur les termes de l’accord collectif relevant au personnel navigant business, précisément dans les hypothèses où le salarié est absent pour une raison qui lui est propre (absence pour maladie, grève…). Dans ce cas, l’employeur a l’obligation de modifier son planning.
La cour en a déduit que la réorganisation des plannings, en dépit des 30 000 vols par mois invoqués par Air France, s’imposait à l’employeur par l’effet de cet accord. Air France a donc été condamnée à payer à la salariée les 2 jours de salaire prélevés indûment mais aussi des dommages et intérêts pour sanction pécuniaire prohibée. L’entreprise a, en outre, été condamnée à payer des dommages et intérêts au SNPNC-FO, du fait de l’atteinte au droit de grève. La cour rappelle ici avec drive que le droit de grève constitutionnel, pour être effectif, ne doit faire l’objet d’aucune sanction pécuniaire, même déguisée.