Les scènes ont un goût de déjà-vu. Le 9 octobre dernier, des agriculteurs venus de Meurthe-et-Moselle se sont déplacés, en tracteurs, jusqu’à la direction départementale du territoire de Nancy, avant d’y déposer amoncellements de paille et autres tas de lisier. Mêmes images devant la préfecture de la Marne, à Châlons-en-Champagne, où a été répandu du fumier. En Haute-Garonne, mais aussi en Ariège ou dans le Gard, des paysans ont décroché des panneaux de sortie de communes. Certains se sont retrouvés cadenassés sur les grilles de la préfecture de Nîmes.
Partout sur le territoire, des îlots de colère commencent à se reconstituer chez les agriculteurs. Souvent à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA), syndicats défenseurs d’un modèle productiviste et majoritaires, certains exploitants ont quitté leurs champs pour prendre le chemin de la rue.
Dans le Gard, à en croire la directrice de la FDSEA, c’est la question de la rémunération qui est au cœur de cet épisode de lutte. « Nous avons des problèmes de revenus sur beaucoup d’exploitations, surtout celles de modèle familial, qui sont en danger. Il nous faut d’urgence toute solution qui pourrait améliorer la trésorerie dans nos exploitations », insiste-t-elle.
« C’est un drame dans beaucoup de fermes »
Rien ne semble donc réglé depuis les grandes mobilisations de l’hiver dernier, il y a huit mois. D’abord spontanées puis récupérées par la FNSEA, les manifestations d’agriculteurs s’étaient répétées pendant plusieurs semaines.
Les gouvernements d’Élisabeth Borne puis Gabriel Attal avaient alors concédé une série de mesures, telle que l’annulation de la hausse de redevances sur les pollutions diffuses et l’eau, la simplification de normes et de contrôle ou l’annulation de la fiscalité du GNR (gazole non routier). En décalage avec les pressantes revendications d’un revenu digne, celles-ci n’ont en rien calmé la colère des agriculteurs.
« Les crises se sont même accentuées par rapport à l’année dernière au même moment. C’est un drame sur beaucoup de fermes », explique Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat partisan d’une agriculture durable.
Après une année secouée par de très nombreuses intempéries, plusieurs épidémies décimant les cheptels (notamment la fièvre catarrhale ovine et la maladie hémorragique épizootique) et des cours mondiaux des céréales peu favorables aux producteurs français, beaucoup d’exploitations sont confrontées à des trésoreries à sec.
La FNSEA appelle à une reprise des manifestations le 15 novembre
Si la colère est bel et bien là, la Confédération paysanne redoute que celle-ci ne soit instrumentalisée par le syndicat majoritaire, surtout à l’approche des élections professionnelles des chambres d’agriculture, en janvier prochain. « Ce qui nous inquiète, c’est ce qu’on ne nous voit pas. Les panneaux retournés, le fumier, tout ça ça se voit, mais il y a des milliers de paysans las et déprimés silencieux dans leurs fermes », alerte Laurence Marandola.
Contrairement à la FNSEA, qui revendiquait l’hiver dernier, notamment, un assouplissement des normes environnementales, la Confédération paysanne défend l’urgence de mesures de rémunération : « Il nous faut des prix minimums garantis qui permettent une rémunération pour tous. » Le syndicat réclame également des aides rapides pour les éleveurs dont les cheptels ont été victimes de la fièvre catarrhale ovine, qui représente 20 à 60 % de perte pour les éleveurs concernés.
La lutte des agriculteurs retrouvera-t-elle une ampleur semblable à celle de l’hiver dernier ? La FNSEA et les JA ont en tout cas appelé à « une reprise des actions à partir du 15 novembre », ce mardi 22 octobre. Ceux-ci agitent le chiffon rouge de la possible prochaine ratification d’un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur pour appeler au durcissement du mouvement.
Celui-ci, décrié de longue date par la Confédération paysanne et le Modef, syndicat agricole défenseur d’une agriculture à taille humaine, risquerait de mettre en concurrence des produits européens à des produits sud-américains, répondant à des normes plus souples, moins chers et qui accentueraient encore la compétition entre exploitations françaises et étrangères.
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