La France a un nouveau premier ministre, mais pour combien de temps ? La Macronie poursuit sa longue décomposition et a envoyé un double du président à Matignon : François Bayrou, lui aussi chantre de l’impossible et mensonger « dépassement » du clivage gauche-droite. Le président du Modem et maire de Pau est devenu le quatrième chef du gouvernement en une année. Et le sixième depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron ! Pour durer plus longtemps que Michel Barnier, débarqué au bout de trois mois par le Parlement, celui-ci entend élargir la base du « socle commun ». Le tout alors que le président ne voulait pas de lui : Emmanuel Macron avait tranché et Sébastien Lecornu devait être son nouveau premier ministre. Lui, le ministre des Armées démissionnaire, fidèle de la première heure du président de la République, et chouchou de Nicolas Sarkozy, qui a poussé son nom.
L’objectif de l’Élysée était de poursuivre le cap à droite donné par Michel Barnier en trois petits mois à Matignon. Autrement dit : ignorer la gauche pour s’appuyer sur un « socle commun » composé de la Macronie et ses alliés depuis 2017 (Horizons et Modem) et des « Républicains » (LR) de Laurent Wauquiez. Le tout en donnant (encore) des gages au Rassemblement national (RN) afin d’éviter une nouvelle censure. C’était compter sans la détermination du maire de Pau, si décidé à devenir chef du gouvernement qu’il est allé jusqu’à menacer Emmanuel Macron d’une rupture entre le camp présidentiel et le Modem, voire de demander sa démission, à en croire les récits rapportés par la presse. Affaibli, Emmanuel Macron n’a eu d’autre choix que de céder, nommant François Bayrou. Lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur Michel Barnier, celui-ci a tenté de renouer avec le macronisme « originel » et sa volonté de dépasser les partis pour faire du « en même temps », et ainsi aller vers une « réconciliation nécessaire », « le seul chemin possible vers le succès ».
« Tous ceux qui ne voteront pas la censure seront de fait des soutiens de ce gouvernement »
Le seul chemin possible serait pourtant de respecter les urnes et de laisser le NFP gouverner. Depuis la chute de Michel Barnier, le 4 décembre, la gauche est cependant apparue divisée sur la stratégie à mener. Notamment sur la meilleure façon d’arriver à Matignon. D’un côté, communistes, socialistes et écologistes ont voulu se montrer constructifs et prêts au compromis, en acceptant de participer à des « échanges sur une plateforme programmatique » lancés par Emmanuel Macron le 9 décembre.
Le but était d’entrer dans un dialogue pour obtenir un gouvernement du NFP. De l’autre, la FI a rejeté toute invitation du président tant que celui-ci ne nommait pas d’office le NFP à Matignon. Depuis, François Bayrou a été nommé, et la question de l’attitude à adopter à gauche face à l’exécutif se pose à nouveau. Faut-il tenter d’infléchir ses positions ou censurer immédiatement le prochain gouvernement ? « Tous ceux qui ne voteront pas la censure seront de fait des soutiens de ce gouvernement », ont fait savoir les insoumis. PS, PCF et Écologistes ont d’emblée refusé d’entrer au gouvernement Bayrou, qualifié d’illégitime. Ils demandent au nouveau premier ministre de renoncer à l’utilisation du 49.3, et préviennent : sans changement de cap politique, ils censureront Bayrou.
Marine Le Pen salue une « méthode plus positive »
Pour éviter la gifle, le nouveau premier ministre fait mine de vouloir regarder à gauche comme à droite, mais il devra au final faire un choix, tant les désaccords sont forts. À la suite des élections législatives anticipées, François Bayrou avait appelé Emmanuel Macron à initier un « rassemblement » en permettant la formation d’un « vrai gouvernement désintéressé, pluraliste et cohérent » qui serait « représentatif des grandes sensibilités du pays », « réformistes, de gauche, du centre et de droite, républicains, hors extrêmes ». Cinq mois plus tard, désormais installé à Matignon, le maire de Pau entend-il écarter le RN et ses 140 députés des tractations et, in fine, des décisions ? Pas si sûr.
Ce lundi 16 décembre, au prétexte de recevoir les groupes parlementaires par ordre d’importance numérique, le premier ministre a tenu à accueillir en premier Marine Le Pen pour lui montrer son ouverture. À l’issue de son entretien, celle-ci a salué une « méthode plus positive » que celle de son prédécesseur, se félicitant d’avoir été « écoutée », même si « c’est un peu tôt pour dire si nous avons été entendus ». « Je suis rassurée par des actes, nous verrons bien comment ça se passera », a-t-elle développé. « Si chacun prend ses responsabilités, le pistolet menaçant de Marine Le Pen deviendra un pistolet chargé à blanc, observe Erwan Balanant, député Modem du Finistère. Si la gauche et la droite acceptent de travailler avec nous et que nous trouvons des dénominateurs communs, le RN n’existe plus, il n’a plus aucun pouvoir ! » Et si ce n’est pas le cas ? Et si Bayrou tombe dans le même piège que Barnier avant lui ?
« Qui est à l’origine du chaos politique ? C’est bien le président de la République »
Emmanuel Macron pourrait alors nommer Sébastien Lecornu ou Roland Lescure à Matignon, ou serait-il enfin contraint de laisser le NFP gouverner ? Le président, à force de vouloir rester central alors qu’il ne l’est plus, ne cesse de s’abîmer. François Bayrou constitue d’ailleurs peut-être sa dernière chance. À la suite de la censure de Michel Barnier, bon nombre de représentants politiques se sont prononcés pour la démission du président de la République. À gauche, la FI demande depuis bien longtemps une élection présidentielle anticipée, qu’elle soit provoquée par la démission ou la destitution de l’hôte de l’Élysée. Mais, plus récemment, des voix du centre et de la droite se sont élevées pour lui demander de prendre ses responsabilités, comme Jean-François Copé, ex-patron de l’UMP, Hervé Morin, président de la région Normandie, ou encore Charles de Courson, député Liot.
« Qui est à l’origine du chaos politique ? C’est bien le président de la République. En temps de crise politique, qu’a fait le général de Gaulle ? Lui, il a eu le courage de démissionner », a ainsi rappelé le rapporteur général du budget. Dominique de Villepin, ancien premier ministre de Jacques Chirac, y est aussi allé de sa charge sur le plateau de « C l’hebdo » : « La question de sa démission se posera. On ne lui demande pas d’être gaulliste, il ne l’est pas à l’évidence. Mais on lui demande un minimum de dignité et de respect de sa fonction. Cela fait beaucoup de fautes pour un président, mais il n’a jamais été capable de tirer une seule leçon. Comme ces joueurs de poker intoxiqués qui pensent pouvoir tout regagner, voire un peu plus. » Et si Macron finissait par tout perdre ?
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