Rares sont les gouvernants qui affichent ouvertement la volonté de supprimer des services publics. Les fermetures de classes, de bureaux de poste, de services médicaux sont faites le plus discrètement possible. L’attachement des Français aux services publics dissuade les pouvoirs publics d’agir plus ouvertement. Bruno Le Maire, notre Ministre « des économies » a, quant à lui trouvé « la » méthode : faire croire au dépassement de « l’État providence ». Dans une interview fleuve au Journal du Dimanche il s’efforce de dissimuler l’attaque en règle qu’il organise contre le service public et propose de remplacer « l’État providence » par « l’État protecteur ». Simple changement de mot ou volonté de mettre en cause – via des restrictions budgétaires – les avancées gagnées depuis un siècle ? Résumons : la conception de l’État selon Bruno Le Maire est celle d’un État sans services publics dignes de ce nom.
Le temps serait venu d’un service public replié sur ses seules fonctions dites « régaliennes », l’ordre, la justice, l’armée. Un service public censé « protéger », mais qui devient a minima, une sorte de SMIC de l’ordre public proche du « service universel » pour reprendre l’expression de l’Union européenne. Ce « service public » servirait surtout à compenser les dégâts d’une gestion de l’entreprise et de la société guidée par les seuls critères de la rentabilité. Pas besoin de remettre en cause les cadeaux aux ménages fortunés et les aides aux entreprises puisque l’on peut ne plus répondre aux besoins sociaux ?
Au moment où monte l’exigence de formation, de qualification, d’éducation des femmes et des hommes, des salariés, des cadres, des techniciens, des citoyens, le débat sur les moyens du service public, le vrai service public, l’école, l’hôpital, EDF la poste celui contribuant à cet enjeu de développement et de progrès social, doit être approfondi. Le défi est de taille. Il suppose dans une optique de long terme non seulement une mobilisation de ressources nécessaires pour assurer les dépenses sociales et les investissements dans la formation et la recherche mais aussi pour financer les grands équipements d’énergie, de transport et de communication. On évoque pour cela plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année à venir.
L’État et plus largement les institutions publiques et sociales doivent avoir les moyens de protéger contre les risques, et contre toute une série de menaces nouvelles – tant celles engendrées par le réchauffement climatique que celles qu’introduit l’Intelligence artificielle-, elles doivent aussi inciter à des coopérations, organiser l’intervention sociale, servir de tremplin à l’exercice d’une nouvelle citoyenneté.
Dans la crise systémique actuelle, la mobilisation de toutes les forces attachées à la protection et la promotion du service public sont indispensables. Face aux injonctions de réformes dont le contenu n’est jamais honnêtement et concrètement débattu, renforcer la construction de biens communs au bénéfice de chacun demeure la seule perspective audacieuse et réaliste.