Chut ! C’est un secret qu’il faut bien garder. Les petites mains s’appliquent pour donner forme à un projet tandis que les jeunes têtes rêvent au sourire et au gros baiser qui vont accueillir le cadeau surprise. Tenir sa langue jusqu’au jour J ne sera pas plus facile cette année que les précédentes. Beaucoup n’y parviendront pas. Mais qu’importe ? Le moment reste chargé d’émotion et le rite paraît immuable. La Fête des mères a pourtant beaucoup évolué au fil du temps. Dès l’Antiquité, on honore la fécondité et ses mystères au travers du culte de « la déesse Mère ». Les Romains, eux, célèbrent les « matrones » et Mater Matuta, déesse de l’aube et de l’enfantement. Des traditions de même nature se retrouvent dans les cultes celtes, germaniques ou nordiques. Plus tard, la christianisation valorise la « Sainte Famille ». Aux figures masculines de la Trinité, père, fils et Saint-Esprit, elle ajoute celle de Marie, à la fois mère et vierge. La Révolution française s’essaie à créer une fête de la maternité. Mais le Code Napoléon fige la famille dans une vision très patriarcale où les femmes sont assignées à un rôle de mère couplé à une minorité à vie. Les idéologies natalistes enferment toujours plus les femmes dans leur rôle de fécondité maternante, notamment pendant et après les guerres de 1870 et 1914. Une « Journée des mères » est décrétée fête nationale, par le président des États-Unis Wilson, en 1914. L’idée va pénétrer les pays européens. En 1940, Pétain impose aux écoles la préparation de la « Fête des mamans ». Il crée en 1941 une Journée nationale annuelle des mères. C’est l’un des maillons de son idéologie « Travail, Famille, Patrie », qui ne voit dans la femme que la mère de famille, nombreuse si possible, et ne l’imagine pas autrement qu’en « ange du foyer », à la maison, à faire des enfants et servir leur père. À la Libération, la CGT tente de transformer cette journée en actions revendicatives des « mères travailleuses » avec des objectifs visant la protection de la grossesse, l’allongement du congé de maternité, l’amélioration de son indemnisation, la création de crèches. Mais, en 1950, un décret inscrit la Fête des mères dans le calendrier républicain. Une nouvelle évolution naît dans les années 1960 avec la marchandisation qui ne cesse de se développer jusqu’à nos jours. On crée alors la Fête des pères, celle des grands-mères, ce qui tend à banaliser la Fête des mères. En 1975, décrétée Année des droits des femmes par l’ONU, la France lève l’obligation de préparer à l’école la Fête des mères. La pratique en reste cependant largement répandue. Aujourd’hui, le mouvement d’émancipation des femmes, les contestations du patriarcat, les bouleversements de la famille et des modes de vie transforment, sans la faire disparaître, la façon de marquer cette journée. Très ancrée historiquement et internationalement, la Fête des mères n’a jamais cessé d’évoluer dans sa forme, son contenu, sa signification, confirmant l’adage : tout est politique. Longtemps objet des critiques féministes, c’est aujourd’hui davantage son utilisation au service d’une consommation effrénée qui fait problème. Une chose cependant demeure, c’est la force du lien réciproque qui nous unit à nos ascendant·es et nos descendant·es. Alors, le 26 mai, fête, faites, ce qu’il vous plaît et poursuivons ensemble nos combats pour transformer la société vers plus d’égalité, moins de violence, le bonheur pour toutes et tous.