Courant 2019, un travailleur immigré en situation irrégulière est embauché comme opérateur dans un abattoir, avant d’être affecté dans un autre avec le personnel d’une société différente. Sans contrat, payé en liquide, il est logé avec sept travailleurs. Tous sont d’origine africaine. Un jour de juin 2019, il subit un grave accident de travail et est hospitalisé neuf jours. Interrogé par la police, le responsable de l’abattoir fournit de faux documents censés établir deux contrats de sous-traitance. À partir de l’accident, le salarié n’est plus payé et l’une des sociétés lui intime de ne plus se présenter à son poste ni à son logement, menaçante. Fin septembre 2019, alors qu’il est sans ressource et souffre des séquelles de son accident, cette société l’informe de son licenciement pour abandon de poste et lui demande un mois de préavis. Entre-temps, il a tenté en vain de faire valoir ses droits auprès de ses employeurs et de la CPAM, puis a saisi, seul, le conseil de prud’hommes d’Aurillac.
Quelques mois plus tard, avec la CGT, il se fait assister par un avocat qui assigne les trois sociétés pour faire reconnaître, avec toutes ses conséquences frauduleuses, une fausse sous-traitance couvrant une opération de prêt de main-d’œuvre illicite : une société fait travailler le salarié originellement embauché par une autre, sous son autorité et avec son matériel, en dehors des règles sociales et fiscales liées à la qualité d’employeur. Cette pratique est interdite depuis l’abolition de l’esclavage en 1848 ! L’assignation vise aussi à établir une discrimination fondée sur l’origine dans le traitement indigne et dangereux qui lui a été imposé et dans l’organisation du travail entre les trois entreprises. L’une fournit à l’autre une main-d’œuvre étrangère sans papiers à bas coût, ignorante de ses droits, et la dernière basée hors de France assume le risque juridique contre rémunération, en recrutant et logeant lesdits travailleurs avant de les chasser.
Par jugement du 23 avril 2021, le conseil de prud’hommes condamne solidairement les trois sociétés pour discrimination, prêt illicite de main-d’œuvre, travail dissimulé et violation de leur obligation de sécurité, requalifie son contrat à durée indéterminée et juge son licenciement vexatoire et sans cause réelle et sérieuse, y ajoutant ses indemnités de rupture. En outre, le conseil ordonne aux sociétés de régulariser les cotisations sociales non versées et indemnise les syndicats pour leur préjudice. L’une des sociétés fait appel du jugement et le salarié demande, outre des dommages et intérêts plus importants, la reconnaissance de la nullité de son licenciement, conséquence de son caractère discriminatoire. La cour d’appel de Riom vient de lui donner raison, en confirmant pour l’essentiel le jugement entrepris dans une décision exemplaire.