Jordan Bardella affiche le même sourire crispé, pour tenir le même discours. Devant les chefs d’entreprise, il vante son « pragmatisme » et assure que « le décideur ne sait pas mieux que l’entrepreneur », le tout pour « rassurer » les patrons. La campagne des européennes du président du Rassemblement national a été rythmée par ces rencontres avec les mouvements patronaux, peu médiatisées mais fondamentales dans la stratégie d’accession au pouvoir en 2027 du parti d’extrême droite. Au Medef, à la Confédération des PME, devant l’Union des entreprises de proximité (U2P), France Invest, Jordan Bardella s’est lancé dans une grande opération séduction des patrons.
Une allégeance au patronat pour gagner en crédibilité
La tête de liste RN dit oui à tout, aux invitations comme aux revendications. « Le RN, dont le programme économique est flou et changeant, adopte la stratégie du râteau : il prend toutes les idées, en déclarant qu’il est d’accord avec tout ce que disent les entrepreneurs », observe Dominique Seux, directeur délégué de la rédaction des « Échos ».
L’enjeu, pour la formation d’extrême droite, est de gagner en crédibilité économique, pour paraître prête à gouverner avec les élites économiques. « Ce qui est frappant, c’est à quel point ils s’y prennent à l’avance, pour montrer une capacité de dialogue avec le patronat », s’étonne Bruno Cautrès, politologue au Cevipof. « Séduire les milieux d’affaires, au-delà de l’empire Bolloré, fait aussi partie de leur bataille culturelle. Ils espèrent en profiter en étant davantage invités dans les médias, voire soutenus par des éditocrates », ajoute le sociologue Ugo Palheta.
Vincent Bolloré, avec ses médias dédiés à la diffusion des idées extrémistes, n’est sans doute pas une exception. De nombreux signaux indiquent que le ralliement des patrons à l’extrême droite en est à ses balbutiements.
Lors du débat organisé par le mouvement Ethic le 5 avril, les quelque 150 chefs d’entreprise présents ont été invités à dire lequel des neuf candidats présents les avait le plus convaincus. Largement en tête, Jordan Bardella a devancé Marion Maréchal (Reconquête), suivie de François-Xavier Bellamy. « Nous assistons à une bascule effrayante », en conclut Samia Jaber, en sixième position sur la liste de Léon Deffontaines (PCF) aux élections européennes, qu’elle représentait lors de ce débat.