Que s’est-il passé exactement le 4 juin 2014 ? Ce jour-là, Marine Le Pen a-t-elle demandé aux eurodéputés de choisir chacun un seul assistant parlementaire pour mettre à disposition du parti le reste de leur enveloppe, d’un montant de 23 000 euros, accordée aux élus par le Parlement ?
Ce lundi 21 octobre, la présidente du tribunal, Bénédicte de Perthuis a tenté d’y voir plus clair. À la barre, l’ex-eurodéputée Marie-Christine Arnautu et son ancien assistant parlementaire, Gérald Gérin. Ils sont accusés respectivement de détournement de fonds publics et recel de détournement de fonds publics pour un montant de 87 000 euros. Après avoir demandé à Marie-Christine Arnautu de revenir sur sa formation et son parcours, Bénédicte de Perthuis, la présidente, a d’emblée dégoupillé la grenade : « Étiez-vous présente à cette réunion du 4 juin 2014 ? »
« Je n’aime pas les réunions… je sors, je vais fumer »
Marie-Christine Arnautu, qui s’est décrite comme une enfant élevée dans le respect des autres, tout en déplorant sa présence à la barre, lâche des yeux la feuille qu’elle lisait avec précaution depuis le début de son interrogatoire, et répond à la présidente : « Je suis là pour vous relater la vérité des faits. Est-ce que j’y suis allée ou je n’y suis pas allée, je ne m’en souviens pas. J’ai entre autres comme défaut de ne pas aimer les réunions. Je n’aime pas rester trois heures assise. Je sors, je vais fumer. Donc tout ce qui est énoncé sur ce qu’aurait dit Marine Le Pen, honnêtement je ne m’en souviens pas ».
Lors d’une seconde réunion, le 30 juin 2014, le Front national a demandé à tous ses eurodéputés de signer une procuration à Charles Van Houtte, comptable belge du FN, de façon qu’il puisse suivre les enveloppes budgétaires des élus. Marie-Christine Arnautu l’a signée et a choisi, comme les autres, le même tiers payant du cabinet Amboise Audit géré par Nicolas Crochet, pour payer les notes de frais et salaires. « Ça ne vous a pas paru étrange que tous les députés aient le même tiers payant ? » lui demande la présidente. « J’ai une personnalité à faire confiance. On m’a demandé de signer, j’ai signé, sans mauvais esprit », rétorque l’amie intime de Jean-Marie Le Pen.
Des tâches qui ne laissaient pas de traces
Les questions s’orientent ensuite sur les fonctions de Gérald Gérin à Bruxelles, pour lesquelles les preuves de son activité manquent terriblement. Officiellement déclaré collaborateur rémunéré par le Parlement européen, Gérald Gérin aurait en réalité travaillé pour Jean-Marie Le Pen. Surnommé son « deuxième cerveau », il a déclaré lors de son interrogatoire vivre depuis 1995 dans une maison dans le jardin du domicile de Jean-Marie Le Pen à Saint-Cloud.
Les indices d’un travail régulier pour le cofondateur du FN pleuvent : ses relevés téléphoniques démontrent des échanges réguliers avec Jean-Marie Le Pen, contre seulement 7 appels recensés avec Marie-Christine Arnautu, les 12 et 13 septembre 2014.
Pendant l’audience, la procureur demande l’examen d’un document, projeté dans la salle, où figure une liste de messages échangés entre elle et son prétendu assistant, qu’elle surnomme « GG » et à qui elle demande toujours la même chose : contacter Jean-Marie Le Pen. Pire encore, Gérald Gérin apparaît sur l’organigramme du Front national en 2015 comme assistant de Jean-Marie Le Pen, alors président d’honneur du parti.
Pour sa défense, Marie-Christine Arnautu plaide des tâches qui ne laissaient pas de traces : le tri du courrier, la lecture des revues qu’elle recevait et qu’il classait, la prise de rendez-vous avec des compagnies aériennes, ferroviaires – dans le cadre de la commission des Transports où elle siégeait -. « Tout cela ne se fait pas par écrit ! », s’écrie-t-elle.
L’ex-eurodéputée revendique aussi un mode de management qui lui est propre : « J’ai toujours privilégié la confiance, bien davantage que le contrôle ». « Nul n’est censé ignorer la loi, d’accord. Mais qui ne dit mot consent ! J’ai eu l’impression que beaucoup de gens étaient au courant et n’ont rien dit », fustige-t-elle, reprenant un axe de défense déjà surexploité par Marine Le Pen…
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