Le 19 mars 1962, les accords d’Évian mettaient fin à 132 ans de colonisation française. Soixante-trois ans plus tard jour pour jour, certains en France l’ont visiblement toujours en travers de la gorge. À l’image de l’éditorialiste du Figaro Yves Thréard, cas psychanalytique de refoulé colonial, qui ose établir un parallèle, ce 19 mars, entre les 132 ans de colonisation et ses cortèges d’Oradour-sur-Glane – pour paraphraser Jean-Michel Aphatie – et les supposées ingérences algériennes dans la présidentielle française de 2027 : « N’autorisons pas le régime algérien à la prendre en otage », écrit-il.
Cette allusion n’a rien d’anodine, elle vise à défendre le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, lancé dans une surenchère électorale qui débouche aujourd’hui sur une des crises les plus profondes depuis la guerre de libération nationale algérienne. « La pire crise de l’histoire de la France et de l’Algérie », estime pour sa part l’historienne Karima Dirèche, directrice de recherche au CNRS, qui se dit « sidérée de la violence du ton employé » et déplore « qu’aucune figure de médiation ne semble émerger, comme c’est le cas d’habitude, pour éteindre l’incendie ».
L’obsession de Retailleau
Ce ton, c’est donc celui d’un ministre qui a fait de la relation entre la France et l’Algérie l’otage de ses ambitions. Après plusieurs semaines d’escalade verbale, Bruno Retailleau a osé ce 19 mars, au micro de Sud Radio, affirmer que « c’est l’Algérie qui nous agresse ». Quatre jours plus tôt, dans un entretien au Parisien, il déroulait ses obsessions : « Au bout de la riposte, il y aura la remise en cause des accords de 1968 ».