En matière de discrimination et de harcèlement au travail, il existe depuis maintenant vingt-trois ans un principe cardinal : celui de l’« aménagement de la charge de la preuve ». Quézaco ? Derrière cette expression sophistiquée se cache une réalité assez simple : on ne peut demander à une victime d’établir la preuve de ce qu’elle dénonce. Hélas ! Déjà les boucliers se lèvent pour dénoncer une terrible atteinte à la présomption d’innocence. Prenons du champ. Dans un procès pénal, lorsqu’il s’agit de caractériser une infraction avant de prononcer une peine, la présomption d’innocence s’applique pleinement. Mais, au civil, lorsqu’il s’agit de montrer la violation d’une obligation et demander le paiement de dommages et intérêts, les règles de preuve sont différentes.
En particulier dans certaines affaires qui, le plus souvent, font référence à des actes dissimulés. Rares sont en effet les situations dans lesquelles on est officiellement licenciée parce qu’on est enceinte, ou bien dans lesquelles il est question d’avances sexuelles faites au milieu de l’open space… Dans ces conditions, comment prouver ce qui est fait pour ne pas l’être ? Pour assurer l’application concrète du droit de la non-discrimination, le législateur a donc adopté ce principe de l’aménagement de la charge de preuve : celui ou celle qui invoque l’existence d’un fait doit simplement apporter un ensemble d’éléments, un faisceau d’indices qui laissent présumer cette existence. Dans une décision récente, le Défenseur des droits 1est venu retoquer une enquête menée dans une grande entreprise française (280 000 salariés), qui réclamait de la victime qu’elle apporte la « preuve tangible » de ce qu’elle dénonçait. À tort.
Madame X affirme qu’elle a été victime de harcèlement sexuel de la part de monsieur Y ? Elle en fait une description circonstanciée. Des témoignages indiquent que monsieur Y était coutumier de blagues graveleuses et comportements inappropriés. Une personne a été témoin du choc vécu par madame X. Alors ces éléments, « par leur multiplicité et leur concordance », suffisent à laisser présumer l’existence d’un harcèlement sexuel. Ainsi, nul besoin de preuves irréfutables, de tests ADN, de vidéos de surveillance, de témoins directs : seuls des éléments de présomption suffisent. Et toute enquête interne qui n’applique pas ce principe est contestable devant la justice !
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