Les Franciliens goûtent jour après jour aux effets de l’ouverture à la concurrence. Depuis le 1er janvier 2022, Keolis exploite le réseau de bus Argenteuil-Boucles de Seine. La société détenue à 70 % par la SNCF s’est imposée dans un appel d’offres lancé par Île-de-France mobilité (IDFM), au détriment des conditions de travail et des circulations, explique Abdelkader Boudour, de la CGT.
Où en est votre mobilisation ?
Depuis lundi, une majorité des conducteurs de bus de Keolis sont en grève, dans un contexte de négociation salariale. Nous avons été reçus ce mardi matin. Un accord semble loin. La direction de Keolis nous propose des hausses de salaires de 2,4 %, avec des primes en guise de miette. Nous sommes prêts à négocier sur la base de 4 %.
Dans quel contexte s’inscrivent ces revendications ?
Depuis 2 ans et demi, Keolis a repris l’exploitation du réseau Argenteuil-Boucles de Seine, suite à un appel d’offres d’IDFM. Avant les dépôts appartenaient à Transdev, qui exploitent aussi les lignes. Valérie Pécresse, président d’IDFM a racheté les dépôts et le matériel roulant. Les conducteurs ont été transférés à Keolis.
Nous ne sommes plus que des gestionnaires, soumis régulièrement à des appels d’offres. Les conditions de travail se sont dégradées, impactant fortement les usagers. Je travaille depuis 35 ans sur ce réseau. Je n’ai jamais vu une situation aussi bancale. Keolis, par sa notoriété, avait promis une qualité de service. Un constat d’échec s’impose.
Pour quelles raisons ?
Pour remporter un appel d’offres, une entreprise doit être concurrente. La logique d’économie, à tous les étages, prime. Cela se répercute en premier lieu sur l’état du matériel et les conditions de travail. Le turnover chez les conducteurs est important, avec de nombreux intérimaires. Or, avec le système des appels d’offres mis en place par Île-de-France mobilité, le métier de conducteur de bus n’est plus attractif.
À Keolis, le salaire pour un débutant est de 2000 euros bruts, alors que les journées peuvent commencer dès 4 heures du matin. Quotidiennement, nous devons renoncer à effectuer les courses, laissant des usagers sur le trottoir. Près de 10 conducteurs restent aux dépôts, chaque jour, par manque de matériel en état de rouler. Les autres doivent assumer le mécontentement des habitants. Je travaille en soirée.
Il n’y a pas un jour sans qu’il m’arrive de voir des usagers attendre des bus en sachant qu’il ne passera pas. Des familles entières sont livrées à elles-mêmes. D’autant que je ne peux les informer que leur bus ne passera pas sous peine de subir leur colère. Les usagers sont abandonnés sous l’autel de la rentabilité de la maximisation du profit.